Tex limogĂ© : le politiquement correct m’a tuer

Juliette Follin 16/12/2017

Sauf si vous vivez dans une grotte, le limogeage de Tex ne nous aura pas Ă©chappĂ©. Cette dĂ©cision est symptomatique d’un mal sociĂ©tal plus profond. Oui, au spot du rire, on a envie d’ĂȘtre engagĂ© !

Beaucoup de bruit…

On nous ressort donc une polĂ©mique de derriĂšre les fagots. En la faisant gonfler, elle expose une mauvaise blague Ă  tout le monde, alors que si l’on n’en avait pas parlĂ©, seuls les spectateurs y auraient Ă©tĂ© exposĂ©s. C’est donner beaucoup plus d’importance Ă  un trait d’humour qui dĂ©rape.

C’est la mode, en ce moment : traĂźner des personnes dans la boue pour se donner bonne conscience. Étouffer des discours en prĂ©tendant que demain, ils n’existeront plus.

LibertĂ© d’expression et humour en danger

Vous vous souvenez quand tout le monde Ă©tait Charlie, le 11 janvier ? Bah moi, j’y Ă©tais. Pas pour soutenir Charlie Hebdo, je n’ai jamais ouvert l’un de leurs papiers, je n’en ai rien Ă  faire. Mais pour dire au cortĂšge des prĂ©sidents prĂ©sents que nous n’avions pas envie d’ĂȘtre muselĂ©s, Ă©piĂ©s Ă  la moindre seconde de nos vies. Que c’Ă©tait bien hypocrite de prĂŽner la libertĂ© d’expression dans un contexte de surveillance de masse, histoire de faire oublier ce qu’il se produit dans nos sociĂ©tĂ©s.

L’humour, de son cĂŽtĂ©, a continuĂ©. Mais force est de constater que les polĂ©miques sont de plus en plus nombreuses. Certaines sont bĂ©nĂ©fiques pour nous faire avancer, rĂ©flĂ©chir en tant que sociĂ©tĂ©. Mais parfois, le mieux est l’ennemi du bien. L’Ă©poque d’aujourd’hui ressemblerait Ă  s’y mĂ©prendre Ă  l’AmĂ©rique du dĂ©but du XXe siĂšcle. Le puritanisme qui y rĂ©gnait cachait une sociĂ©tĂ© en implosion, qui bouillonne Ă  l’idĂ©e d’exprimer ses souhaits, dĂ©sirs, ce genre de chose. Si ça ne vous parle pas, je vous conseille la lecture de Cauchemar de David Goodis – Dark passage en anglais. Au cinĂ©ma, cette Ɠuvre a Ă©tĂ© adaptĂ©e avec Humphrey Bogart et Lauren Bacall.

Quand l’humour fait dĂ©bat

SociĂ©tĂ© aseptisĂ©e, pensĂ©e unique… Comment faire de l’humour demain ?

Alors, faudra-t-il tourner sa langue 7 fois dans sa bouche avant de parler, qu’on soit humoriste ou citoyen ordinaire ? Je n’aime pas cette expression, comme s’il y avait des sous-catĂ©gories de gens. Du reste, on a tous une responsabilitĂ© dans cette histoire, dans la maniĂšre dont on veut avancer. MĂȘme Ă  un petit niveau, dans sa maniĂšre d’interagir avec les autres.

N’ayant pas regardĂ© l’Ă©mission de Tex depuis prĂšs d’une dĂ©cennie, je suis complĂštement dĂ©tachĂ©e de la polĂ©mique sur Tex. Je pense juste Ă  cette petite vieille qui n’a plus que ses yeux pour pleurer l’absence de Tex le midi. Elle avait dĂ©jĂ  eu du mal avec le dĂ©part de Julien Lepers, limogĂ© vitesse grand V… Imaginez aujourd’hui. Bien entendu, on sait que la nouvelle patronne de France TĂ©lĂ©visions n’est pas contre une cure de jeunisme, l’occasion Ă©tait trop belle. Mais il ne faut pas laisser cet incident anecdotique, finalement, museler certaines formes d’humour. Se censurer, n’est-ce pas le dĂ©but de la fin de la libertĂ© ?

Si vous ĂȘtes humoriste et que vous me lisez, ne laissez pas une minoritĂ© de gens vous museler l’Ă©criture, dĂ©fendez vos idĂ©es. Vous dessinez la limite entre ce que vous pourrez dire, dĂ©fendre sur scĂšne, et ce que vous n’accepterez pas d’avancer. Soyez libre de le faire. Au public, restez ouvert Ă  ce qu’on vous envoie aux oreilles, ne prenez pas pour argent comptant ce que vous lisez ou entendez. Ce n’est que de l’humour. Si ça vous choque, dĂ©tournez votre chemin de l’artiste. PrĂ©fĂ©rez la rĂ©flexion Ă  la rĂ©action Ă©motionnelle brute.

A ce que je sache, Jean-Michel Maire est toujours Ă  Touche pas Ă  mon poste en roue libre. Quand on connaĂźt un peu le milieu des mĂ©dias, on sait que certains n’ont plus rien Ă  faire lĂ , mais que si ça ne choque pas le (service) public, ils peuvent rester. A contrario, j’espĂšre qu’ils ne toucheront pas Ă  la prĂ©sence d’un Philippe Candeloro sur ce mĂȘme service public. C’est bien d’avoir des gens hors de contrĂŽle, aussi.

Tex limogĂ© et la libertĂ© dans l’humour : quelques rĂ©actions

Jean-Yves Lafesse

Anne Roumanoff

Stéphane Guillon

Jean-Luc Lemoine

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Commentaires

  • Floriane
    27 décembre 2017

    Puisque vous permettez la publication de commentaires suite à votre article, je me permets d’en ajouter un.

    J’ai 49 ans au moment oĂč j’écris ce message. Je dĂ©teste la sociĂ©tĂ© dans laquelle je vis, cette sociĂ©tĂ© des annĂ©es 2000 oĂč depuis quelque temps la dĂ©sinvolture, la grossiĂšretĂ©, la vulgaritĂ©, la bĂȘtise, l’irrespect, l’intrusion prennent le pas sur leurs contraires, ces contraires avec lesquels j’ai Ă©tĂ© Ă©levĂ©e. Le respect de l’autre, le respect de la vie privĂ©e, la retenue, la politesse, la discrĂ©tion, le bien parler.

    J’en ai assez de ces annĂ©es oĂč certains, inconnus comme cĂ©lĂšbres, s’autorisent les pires extrĂȘmes et trouvent cela normal.
    Donc il faut rire de tout et ne surtout pas s’en plaindre.

    Rire de la violence conjugale, du viol, des agressions, des tournantes

    Rire du harcĂšlement sexuel.
    Rire de l’homophobie et du racisme.
    Rire du harcĂšlement Ă  l’école.
    Rire de la maltraitance, peu importe qu’elle concerne les jeunes, les ĂągĂ©s, les animaux Ă©galement.
    Rire aussi des crimes, des meurtres, mĂȘme les plus horribles, des enlĂšvements d’enfants, des sĂ©questrations.

    Et tant que nous y sommes, pourquoi ne pas aussi rire des morts, des victimes du terrorisme, puisque l’on peut soi-disant se gargariser de tout ce qui passe pour servir le dieu comique ?

    NON, je ne suis pas d’accord. MĂȘme Ă  la plus petite Ă©chelle qui soit, Ă  partir du moment oĂč l’on rit de ce qui cause la souffrance aux autres et oĂč d’une certaine façon on contribue aussi petitement soit-il Ă  perpĂ©tuer cette souffrance, on ne vaut pas mieux que ceux qui provoquent cette souffrance en premier lieu.

    Tex a eu tort de s’aventurer dans un domaine qu’il ne maĂźtrise apparemment pas mĂȘme s’il se dĂ©clare humoriste. A trop vouloir jouer avec le feu on se brĂ»le et on finit par le payer cher, Ă  juste titre. Contrairement Ă  la maxime, n’est pas humoriste qui veut.

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    • Juliette
      27 décembre 2017

      Merci de votre commentaire et de ce tĂ©moignage touchant. Si rire de tout est admis, il faut aussi accepter de voir des personnes offensĂ©es par ce que l’on raconte. La portĂ©e du message est importante, et la majoritĂ© des humoristes y est sensible. Chacun doit fixer ses limites sur ce qu’il est prĂȘt Ă  raconter sur scĂšne et il ne faut jamais oublier que la libertĂ©, ce n’est pas faire n’importe quoi mais aussi se souvenir qu’on a une responsabilitĂ©. Ce pourquoi ces affaires dĂ©clenchent des dĂ©bats sans fin ! 🙂

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