Nanette : j’ai vu le spectacle d’Hannah Gadsby
Dans le catalogue Netflix, un spectacle stand-up détonne : Nanette d’Hannah Gadsby. Ce special révolutionnerait le stand-up autour d’un événement : arrêter la comédie, trop dépendante à l’autodérision et propice à l’autodestruction. Heureusement, le spectacle est moins pompeux que les commentateurs l’ont suggéré ces dernières semaines.
Nanette : un spectacle pour le public France Inter ?
Autant le dire tout net : je ne pouvais plus entendre parler de ce spectacle. Comme tout le monde en parle, je trouve ça louche. Je me disais : « Encore un spectacle progressiste autour des droits des LGBT+, va-t-on se farcir une énième conférence-leçon de vie ? ». L’absence de légèreté ne m’emballait pas plus que ça. Je me disais que c’était réservé à l’humour France Inter ou à des féministes informées.
En commençant le spectacle, je sentais que cette opinion prenait de la force. Je ne ris pas les dix premières minutes, puis j’esquisse un sourire. Puis deux. Puis j’écoute vraiment. Le passage dont tout le monde parle sur l’arrêt de la comédie arrive au bout de dix-huit minutes. Je me demande donc ce qu’elle va bien pouvoir nous dire par la suite. L’intensité dramatique grimpe un peu.
Hannah Gadsby : taille patron
Hannah Gadsby est une excellente oratrice, sa prestation est millimétrée. Je décroche un peu sur la partie autour de Vincent van Gogh et l’histoire de l’art. Je m’étonne de la voir s’exclure du monde intellectuel de ce milieu, parce qu’elle semble intégrer la frange culturelle de la comédie. En réalité, elle met en lumière le caractère cancre de la comédie vis-à-vis d’autres formes artistiques. On ne sait pas vraiment si elle adhère à cela ou si elle le déplore.
Les commentateurs disent souvent qu’il y a une première partie consacrée aux blagues et une seconde partie sans aucune blague. En réalité, les blagues reviennent toujours au bon moment, quand l’intensité dramatique atteint un niveau peu supportable. Hannah Gadsby nous tient en haleine avant de nous prendre aux tripes sur son final.
Rire de la douleur
Autre idée forte de ce spectacle : la comédie se concentre trop sur l’autodérision, ce qui est destructeur. Je vois honnêtement l’autodérision comme une thérapie, une marque d’humilité pour s’éloigner de choses moins supportables. En réalité, Gadsby le voit comme une « humiliation » et refuse de s’infliger davantage d’autodérision. La cause : des souffrances ancrées depuis le plus jeune âge et qui nourrissent sa résilience.
La résilience, c’est un mot un peu obscur. En somme, il s’agit de trouver la force de surpasser les traumatismes passés pour se reconstruire. Je grossis le trait, les psychologues et magazines lifestyle ont sans doute une explication plus poussée.
Sans trop en dévoiler, je me suis sentie aussi mal qu’au terme du spectacle de Blanche Gardin, enregistré à l’Européen et diffusé sur Canal+. Ce spectacle stand-up n’a pas vocation à révolutionner la comédie. Il n’y aura pas un avant et un après Nanette. La hype autour du spectacle n’a à mon sens pas lieu d’être avec les termes avancés par les médias. La vraie force de Nanette, c’est surtout la puissance dégagée par les mots de l’artiste. Cela vous scotche littéralement, vous prend aux tripes et ne vous laisse pas indemne.
Un spectacle à voir, à digérer
En réalité, ce spectacle est un cri du cœur, une manière extrêmement honnête de faire du stand-up qui sied parfaitement à l’artiste. Ce n’est pas un spectacle que je pourrais voir dans une salle, comme celui de Blanche Gardin, d’ailleurs.
Quand l’artiste sur scène aborde des sujets si durs et si sensibles, cela vous met face à votre propre histoire. Dans mon cas, vu mon vécu, cela a un côté bad trip. C’est au-dessus de mes forces, mais c’est important de voir ces spectacles. Disons qu’il faut encaisser le choc une bonne dizaine de minutes.
Toujours est-il que je suis contente d’avoir passé outre mon a priori initial. C’est un peu comme une pièce incontournable ou un film dont tout le monde parle. Sauf que pour une fois, cela vaut vraiment le coup de se faire une idée.
Crédits photo
© Netflix – Capture d’écran du spectacle
Super article qui m’a vraiment donné envie de jeter un coup d’oeil à ce spectacle !
Merci beaucoup !
Avec plaisir ! 🙂