Le charme des nouveaux plateaux d’humour
A Paris ou ailleurs, les plateaux d’humour se multiplient comme des petits pains. Ces comedy clubs se créent surtout pour permettre à de nouveaux humoristes de jouer lorsqu’ils sont refusés ailleurs.
Comment fonctionnent-ils ? Le spot du rire vous aide à décrypter le phénomène ! On fait découvrir deux nouveaux plateaux d’humour : le Cap ou pas cap Comedy et le Bonasse Comedy Club.
Nouveaux plateaux d’humour : Cap ou pas cap Comedy
Imparfait, excentré et innovant, le Cap ou pas cap Comedy est un plateau d’humour qui en veut. De prime abord, il ne paie pas de mine. Vous ne connaissez probablement pas les maîtres de cérémonie, à moins d’aller vraiment partout, de nous lire ou d’écouter Need Radio. Vous y retrouvez Mickael Pellé et Déelle, vue à l’Open Mic de Topito lors du Debout Paris Festival.
Pour autant, la programmation est éclectique : l’amateurisme se passe ailleurs. Et surtout, cela se passe à la Boîte à rire. Ce théâtre qui monte à Belleville (métro Pyrénées) assure une programmation volontariste. Vous retrouverez évidemment des brebis égarées que vous n’avez jamais envie de croiser, mais aussi de belles découvertes : Adrien Montowski, Fabien Guilbaud…
Si ce théâtre marche aussi bien, c’est aussi grâce à son directeur – le fameux Gérard ! C’est bien simple, les jeunes artistes ne jurent que par lui. On m’a dit le plus grand bien de la régisseuse, aussi. Bref, c’est à valoriser !
Les défis du Cap ou pas cap Comedy
Au-delà des défis lancés aux deux meilleurs humoristes (désignés à l’applaudimètre), ce plateau permet découvrir de nouvelles têtes. Le principe est simple : ils doivent improviser une ou deux minutes à partir de thèmes imposés. Ce soir-là, Alex di Mambro a créé un sketch sur l’escalade de l’horreur, tandis que Radia a dû réinterpréter à sa sauce le sketch de Clément Gaucher…
C’était un excellent exercice : Alex avait une fâcheuse tendance à jouer comme Roman Frayssinet, tandis que Radia a chanté La vie en rose. Bref, pour voir du vrai, de l’authentique, il fallait gratter un peu. Curieusement, ils ont tous les deux réussi à relever le défi. Preuve que pour le moment, ils ont encore du travail à accomplir, mais qu’ils n’ont pas volé leurs premiers spots.
Quand le Cap ou pas cap Comedy fait sauter les plombs
J’en ai vu des plateaux étranges. J’ai déjà vu Ghislain Blique apporter des pizzas au public à Saint-Maur des Fossés, alors qu’il remplaçait un Pierre Thevenoux malade. J’ai vu un type bourré au plateau la Comédie Passagère, désormais disparu. J’ai vu un gars qui s’appelle Johnson porter en moins de deux Melha Bedia à Dimanche Marrant. Mais là, j’allais expérimenter quelque chose de tout à fait nouveau.
Le point de bascule, c’était en milieu de spectacle. Le défi était complètement imprévu, et mystérieusement calibré pour tomber pile au moment où la régie aurait pu faire une blague. J’ai vraiment cru que c’était prévu. Jugez plutôt :
Cette coupure de courant de dix à quinze minutes a changé l’ambiance. C’était tout de suite plus intimiste, cosy et mémorable. On avait envie de porter ces jeunes artistes, et les éclairer avec des lampe-torche de smartphones.
Avec ou sans plombs, le courant est définitivement passé. Et je m’excuse pour ce jeu de mots ! Nadim a clôturé la soirée par un carton. En plus, pour un nouveau plateau dans un théâtre, les organisateurs font l’effort de donner un chapeau à de tous jeunes artistes. Si vous saviez comme ce n’est pas systématique (le Labo du rire du Paname Art Café…). Alors merci à eux !
Nouveaux plateaux d’humour : le Bonasse Comedy Club
Un plateau d’humour le dimanche à 15 heures, ça vous tente ? Et si on vous disait qu’il était 100% féminin, ça vous tente encore ? Rendez-vous au Bonasse Comedy Club !
Je vous avoue que sur le papier, je n’étais pas au taquet. Mais ce jour-là, je voulais absolument voir Audrey Jésus. Comme à 15 heures, il n’y a pas de concurrence, je n’avais pas à regretter manquer un truc bien ailleurs.
Rendez-vous à l’Improvi’bar, un lieu sans surprise dédié à l’improvisation. Le plateau ne comportait pas de filles misandres a priori, donc j’étais même heureuse d’y aller.
En arrivant, vous découvrez que ça ne commence pas à 15 heures puisque le lieu ouvre à 15 heures. La queue avance lentement pour récupérer sa boisson. Je me demande combien de temps cela va durer. En plus, le dimanche après-midi, les nouveaux plateaux d’humour commencent de plus en plus tôt, souvent vers 17h30 !
Heureusement, le spectacle (plus ou moins bon selon les prestations) s’est terminé à 16h11. Oui, j’ai vérifié. Pourquoi était-ce aussi court ? Je vous dévoile ça tout de suite !
Le syndrome de l’imposteur
Quand cela parle des femmes dans l’humour, l’atmosphère se tend quelque peu. On a peur du dérapage : le sujet est sensible. Enfin, pas tant que cela, en fait.
En découvrant le plateau, j’ai vu que les femmes humoristes étaient soit très douées, soit complètement à la masse. Les hommes humoristes sont dans la même dynamique. Seule différence, et de taille : les mecs humoristes qui ne sont pas drôles n’en ont rien à faire. Ils attendent de devenir bons sans complexe, et sont mêmes agressifs quand ça ne prend pas. Ils vont alors gratter des applaudissements ou se plaindre de la qualité du public.
Les femmes humoristes qui débutent, dans les nouveaux plateaux d’humour généralement, vont avoir tendance à ne pas avoir confiance en elles ou en leur passage. Elles vont alors partir bien avant la fin de leur temps réglementaire, s’excusant d’avoir osé prendre le micro.
Bien entendu, j’avance des tendances : chacun est unique. D’ailleurs, vous savez ce qu’on pense de la presse qui essaie de rentrer les femmes dans un même moule, l’humour trash. Pour rappel, on n’est pas sur une idylle.
Vaincre les stéréotypes commence par balayer devant sa porte
J’ai de moins en moins ce défaut, mais j’ai parfois encore tendance à m’attendre à ce qu’une fille soit moins drôle. J’excuse moins leur échec, alors que je suis habituée par la clique d’innombrables humoristes mecs qui imposent leur présence dans des plateaux, parfois en bande organisée.
Avec le temps, j’ai fini par comprendre et m’habituer. Maintenant, je suis presque dans l’excès inverse : quand une fille est drôle, j’y vais à fond sur le rire. Je lui pardonne en revanche peu un manque d’originalité ou une blague lourde. Autant qu’à un garçon, je dirais. Deux d’entre elles étaient à la masse, et l’une évoquait la taille du sexe des blacks en parlant du chocolat. Je ne sais plus exactement ce dont il était question, mais cela a fait un four et elle a tout de suite quitté la scène.
Je crois que je suis en attente d’un autre angle féministe. La drague de rue, c’est important d’en parler, mais on sature. Je ne suis pas venue voir un cours féministe, parce que j’ai l’habitude. Elles ont pris le pouvoir des podcasts, sauf en stand-up ironiquement. Maintenant, j’ai envie qu’on me surprenne. Qu’on explique comment on se sent, quand on drague ouvertement en tant que femme. Plutôt de dire que c’est relou, pourquoi ne pas donner quelques astuces ? Oui, j’aimerais bien en faire bon usage.
Le rapport de séduction artiste/public
Je ne suis pas sociologue, donc prenez ce qui suit avec des pincettes. C’est simplement un témoignage sincère, et quand j’écris ces lignes, j’ai un peu peur de ce qui va sortir.
J’aime vraiment être séduite sur scène, et je suis habituée à l’être par les garçons. J’attends ça avec impatience, parfois. Avec le temps, j’apprends à ressentir une connivence pour les filles sur scène.
Je vous donne un exemple : Aude Alisque. Plus ça va, plus je m’identifie à sa folie. Elle tente des trucs, je jubile. Et j’aime vraiment la retrouver sur scène. Pourtant, le rapport de séduction classique à la Stéphane Rousseau ou Franck Dubosc (donc un tantinet ringard) est absent.
J’ai même eu la surprise d’être emportée dans l’univers de Lucie Carbone ! Jusqu’ici, elle n’avait pas vraiment réussi à délivrer un bon passage en ma présence. C’est une fille qui bosse, qui est d’une sympathie indéniable et que je n’avais pas envie d’enterrer trop tôt.
Ça a du bon d’attendre. Non seulement, elle a fait un jeu de mot qui a provoqué mon hilarité (si, je vous assure). En plus, j’ai enfin découvert son style. Au début, je me demandais pourquoi elle parlait avec autant d’énergie, de manière parfois étrange. Et là, j’ai saisi : elle était en phase avec elle-même, et j’ai compris, j’ai ri, la machine était lancée.
En bref, rapport de séduction ou pas, l’humour est un terrain de jeu mixte. Si vous préférez les hommes humoristes, vous pouvez vivre cela sans culpabilité. Mais écoutez ce que les femmes ont à dire. Elles vous surprendront à vous faire jubiler.
Nouveaux plateaux d’humour : des lieux expérimentaux à découvrir !
Sur notre nouvelle carte de comedy clubs en France, on vous propose près de 150 plateaux d’humour. Les prestations sont différentes, et peu sont incontournables. Pour le moment, c’est de l’ordre de 10%.
Mais cela va venir : les moins bons plateaux vont disparaître, tandis que les autres apporteront de l’innovation. Cette innovation-là, les plus gros plateaux vont la copier quand elle sera mature. C’est un peu le même délire qu’un grand groupe qui rachète une start-up.
Que peut-on vous conseiller ? Si vous en avez marre de voir toujours le même set moyen de Tony Saint-Laurent au Paname Art Café, fouillez ailleurs dans le onzième arrondissement. Il y a un plateau dans toutes les rues ou presque…