Tester des blagues ou faire du sûr ? Voici ce qu’on préfère
Dimanche dernier, Le Parisien organisait une journée consacrée à l’humour lors du festival Paris Paradis. Comme souvent dans ces événements huppés, on n’a pas pris autant de plaisir. Pourquoi ? Tout simplement parce que les humoristes ont, à de rares exceptions, livré le meilleur de leurs blagues au public. Aujourd’hui, on vous explique pourquoi on préfère voir les humoristes tester des blagues !
Tester des blagues : une innovation et une prise de risque
Certaines personnes disent que les plateaux d’humour, c’est une salle de gym. Comme les sportifs, les humoristes s’entraînent pour de vraies soirées, comme celle du festival Paris Paradis. Des soirées où le public paie pour rentrer, et où le chapeau est absent.
Pire encore : les spectateurs de ces plateaux d’humour sont appelés des « cobayes ». Vraiment ? Pour promouvoir l’art du stand-up, on s’y prend à l’envers, non ?
La naissance d’une blague
Le public qui écoute des humoristes tester des blagues va assister à la naissance des blagues. Elles viennent d’être écrites ou pensées, et tout peut arriver pour elles. Il y a un côté « loterie » qui, certes, donne l’impression de se retrouver dans un traquenard.
Mais réfléchissons-y un peu plus. Dans le public, vous avez plus d’impact que le jury de The Voice. Votre rire va avoir une incidence directe sur le cycle de vie de la blague. Vous allez définir son destin : soit vous avortez (et parfois, c’est la meilleure chose à faire), soit vous lui offrez un ascenseur social ou une immunité. Vous pouvez lui offrir une voie royale vers l’élite du rire. Et si vous êtes chanceux, vous allez conditionner la signature de l’humoriste.
La signature d’un humoriste : une punchline mémorable
Quand je pense à chaque humoriste, une blague me vient tout de suite. C’est pour ça que les humoristes parlent de « la blague de Ghislain », par exemple. Tous les humoristes peuvent développer ce truc et proposer une blague iconique, qui vous rappelle à qui vous avez affaire.
Tous ? Presque, si nous excluons ce génie de Gad Elmaleh. On n’analysera pas ses derniers commentaires, mais ils valent le détour. Le gars s’est offert un petit buffet sympatoche dans les locaux du Parisien. Il n’a guère été titillé dans son mea culpa et il nous même offre un medley des meilleures techniques de communication de crise. Contrairement au test, rien n’est laissé au hasard ici… Et pourtant, ça foire !
Bon, ça, c’est fait. Maintenant, revenons aux humoristes qui se démènent pour vous faire rire. Parce qu’on a besoin d’une bonne cure de sincérité après cette chienlit.
« Le test, c’est pour les nouveaux. Les vrais humoristes font du sûr. » (sic !)
Cette citation n’a aucun sens. Globalement, tout le monde doit tester des blagues pour les muscler et les transformer en hits de légende. Parfois, ça prend des formes inédites, comme pour le Comte de Bouderbala cet été. Les témoignages convergeaient : il demandait au public ce qu’il pensait de différents sujets, sans trop tester. Une sorte de sondage à grande échelle, où tu payais 6 euros pour discuter avec le gars. Je voudrais bien vous en parler, mais il a annulé sciemment les dates où je devais venir…
Sans vrai test, donc, le sûr n’existe pas. Après, vous avez le choix : soit vous attendez que le spectacle coûte cher ou qu’il passe à la télé ou sur internet. Mais vous ne connaîtrez jamais le frisson des premières punchlines. Vous ne serez jamais dans la confidence des débuts.
Pour tous les grands événements, comme le One More Joke au Grand Rex ou cette belle soirée du Parisien, on s’ennuie un peu. C’est comme si l’on mangeait le même repas sans arrêt. Je suis capable de prendre du plaisir à manger quatre risottos à la suite, mais je commence à montrer des signes de faiblesse.
C’est comme si vous aviez toujours les mêmes conversations. Voilà, c’est un repas de famille que de se passer en boucle le meilleur de machin. C’est comme les émissions de musique sur W9 qui reviennent sur l’année 2002. Ce n’est décidément pas la vraie vie.
Tester des blagues : où voir du rodage ?
Si vous êtes fidèle lecteur du spot du rire, déjà merci, ça fait plaisir. Vous avez dû lire nos interviews de la Petite Loge. Il y a tout dedans : d’abord, le plaisir d’offrir une expérience intimiste où les talents se découvrent et se dévoilent. Ensuite, la sélection de ces pépites et la garantie de trouver un « supplément d’âme » chez eux. C’est pour ça, par exemple, qu’on a pris la peine de voir le spectacle de Thomas Wiesel en rodage à Lyon. On aurait pu attendre 2020 et guetter son apparition à Paris, mais on ne pouvait pas attendre.
Tester quelque chose, dans ce lieu ou ailleurs, ce n’est pas proposer un passage non préparé. Sinon, personne n’irait voir les soirées Premières fois de Yacine Belhousse. Quand un artiste teste, il livre une pièce supplémentaire du puzzle. Si vous les assemblez toutes, vous obtenez une vision assez fidèle de celui qui vous fait rire. Ça pourrait faire fermer tous les torchons de la presse people si tout le monde connaissait cette astuce.
Pour en voir plus, vous pouvez aussi aller voir les plateaux d’humour. Vous tombez très bien : on vient de les mettre à jour ! On a aussi beaucoup suivi le Laugh Steady Crew à la rentrée. Ces humoristes-là font du 100 % test avec les thèmes du public ! Et Thierno Thioune, leur metteur en scène, vous transforme ces pépites humoristiques en tueurs de salles.
Avant de vous laisser, on se devait de vous présenter ce nouveau concept extrêmement prometteur. L’entre-potes comedy club, c’est la réunion de 40 humoristes qui testent, se clashent et profitent d’une émulation quasi-unique en son genre. C’est une sorte d’After Work Comédie en encore mieux. Merci à Clovis pour cette initiative !
Crédits photo
© Christine Coquilleau