Pourquoi j’ai manqué l’ouverture du Barbès Comedy Club

Juliette Follin 07/10/2019

5 octobre 2019 : Shirley Souagnon assurait l’ouverture de son comedy club, le Barbès Comedy Club. Tout le gratin du stand-up y était, mais l’actualité chargée nous menait ailleurs.

Ouverture du Barbès Comedy Club vs. rentrée La Petite Loge : la part belle aux talents de l’humour

Cette semaine marquait en effet la première de nombreux spectacles à la Petite Loge. Nous avons vu ceux de Ghislain Blique, Avril et Mahaut, qui figurent tous dans « 1 jour, 1 reco ».

Pas de panique pour le Barbès Comedy Club : si on a manqué l’ouverture, on prévoit de s’y rendre le lundi et le samedi de la semaine suivante, histoire de s’imprégner de l’ambiance authentique après la tempête médiatique. En prime, le retour du 33 Comedy Club, ça ne se manque pour rien au monde.

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Ghislain Blique en avait quelque chose à branler

L’heure de Ghislain, on vous l’avait dit : on la fantasmait. C’est casse-gueule, vraiment. Alors que tout le monde entretient des attentes élevées, on espère que l’artiste va garder son sang-froid.

Ghislain, je l’ai vu esquiver la rue la Bruyère, où se trouve le théâtre de la Petite Loge. Car oui, j’avais bien 40 minutes d’avance de peur d’avoir un problème de transport. Moquez-vous, mais vous verrez que cette prudence m’a porté chance trois jours plus tard…

Il avait sa capuche vissée sur son crâne, l’air assez stressé. C’était furtif, mais quand on connaît Ghislain, on peut le deviner. Ce puriste a ensuite gagné la scène, a bu beaucoup d’eau et a délivré ses blagues. Il était à la fois sûr de ces blagues, testées depuis des mois voire des années, et incertain.

Incertain car il fallait tenir une heure : un défi, une prouesse quand c’est la première fois. Sa vulnérabilité sur scène a joué en sa faveur, puisqu’il a conquis le public avec plus de force. On avait envie de le voir franchir cette étape avec succès. On l’encourageait comme un athlète de marathon. C’était un beau moment de spectacle vivant. Chacun rentrait ensuite chez soi, pour une fin de soirée sans histoire.

Mission accomplie pour Ghislain, qui part avec une base solide et qui risque de progresser encore par la suite. Son fil conducteur, c’est lui-même. Son personnage scénique très abouti l’aide beaucoup à compiler ses meilleures blagues et former un tout homogène.

Avril : c’était déjà mieux maintenant, ça sera encore plus fort demain

Changement radical d’ambiance avec Avril, le samedi soir. La prise de risque était énorme : plus de la moitié du spectacle constituait du test. Même pour une recrue du Laugh Steady Crew, c’est une prouesse.

Son acolyte des Ouais Ouais Ouais, Pierre DuDza, stressait pour lui. Et en même temps, il avait tellement envie de voir le résultat. Il y avait aussi Alexis Tramoni, l’agitateur du Ça dit quoi ? Comedy Club et accessoirement gros, gros rire. Votre allié, votre gars sûr quand vous vous lancez sur une heure.

Et il y avait moi. Moi qui, malgré les 40 minutes d’avance, a affronté une adversité souterraine féroce. Après trois métros et un tram qui jouait avec mes nerfs, je n’étais plus du tout dans le même état d’esprit. Mais même un accident grave de voyageur n’allait pas me gâcher la fête. J’étais en train de relativiser, du genre : « C’est quand même vachement bien d’être en vie, on va y arriver. Pourquoi la rame stationne à Châtelet ? Et pourquoi à Madeleine, on n’a pas d’infos sur les prochains trains ? ». Gros pétage de câble, mais on était là à 21h15. Donc encore du stress pour rien.

Et de fait, on ne stressait pas du tout pour Avril. Connaissant sa préparation, ça allait forcément être intéressant, une fête, un truc bien. Enfin, on croyait ne pas stresser. La vérité, c’est que dans notre attente, il y avait une vraie charge mentale. Il s’est pris pour un pilote de dragster de la vanne.

On ne s’attendait pas à ça !

Le Barbès Comedy Club, comme la Petite Loge, ce sont des endroits pour travailler. Prendre des risques. C’est le meilleur en spectacle vivant, c’est pour ça que ça bat constamment Netflix. Et là… Il y avait tant d’idées exploitables, tant de chemins vers une heure solide. C’était un festival, un feu d’artifice et un gros bordel ultra-organisé.

J’étais incapable de formuler une critique à la sortie du spectacle. Sonnée, je voyais tous les proches d’Avril le congratuler. Encore une fois à la manière d’un athlète qui venait de remporter une compétition. Ça m’a donné un peu le tournis. Avril me demandait constamment si ça allait, je devais être dans une de ces torpeurs. Il était impatient d’avoir mon ressenti, mais ça n’allait pas être possible.

Mon cerveau était simplement en train de trier toutes ces nouvelles informations. Je ne comprenais pas la décontraction avec laquelle tout le monde avait déjà un avis sur ce qu’on venait de voir. Habituellement, comme je connais plus ou moins le contenu ou l’univers de la personne, c’est plus simple. Impossible de mettre ce que j’avais vu dans une case. J’ai ri, j’ai froncé les sourcils, je me suis fait balader d’idée en idée…

Potentiel et marge de progression : ce spectacle sera une bombe à rires dans 1 an

Mais pour Avril, c’est toujours la même rengaine : il peut faire beaucoup de choses, si bien qu’on ne sait pas où il peut aller. Alors je lui ai formulé une critique sur-mesure, par rapport à mes envies à moi. J’avais l’impression d’avoir aimé, et en même temps de voir 1 000 manières de sortir le potentiel de cette heure-là. J’avais peur de la modeler à mon envie, et quelque part de brider un talent par pur égoïsme ou envie de trouver des repères.

C’était vertigineux. Ma seule satisfaction, c’est le titre de ma critique BilletRéduc. Vous n’avez que ça à lire pour comprendre :

C’est perché, mais de là-haut, la vue est magnifique !

Pour vous donner le sous-texte, ça veut dire qu’il fallait s’accrocher pour suivre Avril dans tout ce qu’il nous a proposé. Parler des nombres premiers à 22h30 et nous garder avec lui, c’était assez fort. Je vois tellement de potentiel dans cette heure, dont la première version risque d’évoluer énormément, de semaine en semaine.

Mahaut : future reine du stand-up ?

Après ça, on peut mourir tranquille ? Pas du tout ! Mahaut méritait bien le semblant d’énergie qui me restait. Je n’étais pas épuisée, mais j’avais accumulé tant de bonheur scénique en si peu de temps… Tout cela en ratant l’ouverture du Barbès Comedy Club ! Merci le rire, longue vie au rire.

Je n’avais aucune attente concernant Mahaut. C’était surtout de la curiosité. En quelque sorte, elle pouvait respirer davantage quant à ma venue. Mais une première reste un moment important, et je me devais de la juger avec autant de bienveillance et d’analyse que ses deux comparses.

En réalité, je n’ai eu besoin ni de bienveillance, ni d’analyse. Après un spectacle aussi cérébral que celui d’Avril, Mahaut m’offrait un sas de décompression.

Déjà, le show était minuté : ça ne dépasse pas le temps. Mahaut était précise sur toutes ses vannes et elle captait notre attention. Si bien que je n’ai pas vu le temps passer.

Bouquet final du rire

Mahaut peut vous parler de bermudas, de télé-réalité comme de lignes éditoriales des journaux de tous bords. À chaque fois, elle passe des sujets les plus superflus aux plus fouillés.

Les rires viennent naturellement, et ils sont même loin d’être timides ou hésitants. Mahaut vous fait passer une heure de rire et de détente, faisant de son spectacle le programme idéal de votre dimanche soir.

Comme au Laugh Steady Crew, elle a cette maîtrise scénique qui vous fait oublier qu’elle n’a pas l’expérience d’une Marina Rollman. Comme je n’avais pas d’attente particulière, j’ai pu rire beaucoup plus facilement. C’était libérateur : j’ai oublié que je venais la critiquer. Ensuite, j’ai été dithyrambique sur les réseaux sociaux et je ne veux pas que ça la desserve.

Donc, comme pour tous les nouveaux spectacles à la Petite Loge : allez-y sans idée préconçue. Ce n’est pas le spectacle de l’année — ça a juste été un excellent moment pour moi, le meilleur des trois spectacles de cet article selon moi.

À vous de vous faire votre propre idée ! La seule chose, c’est que si vous ne la voyez pas, vous manquez une belle expérience. Si vous ne vous sentez pas l’âme d’aller aux plateaux en langue étrangère du dimanche au Barbès Comedy Club, prenez le temps d’aller à la Petite Loge pour Mahaut !

Crédits photo

© Christine Coquilleau

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