Ricky Gervais à l’Olympia : qui suis-je pour juger ?
Si je vous dis Ricky Gervais, vous me répondez « légende ». Il est difficile de porter ce titre de tête d’affiche. Si difficile de se pointer dans un pays chaque semaine, et de faire rire le plus grand nombre. D’un autre côté, pouvons-nous vraiment juger Ricky Gervais et son nouveau spectacle Supernature, joué à Paris dans la salle de l’Olympia ?
Ricky Gervais à l’Olympia : le Super Bowl du rire
Avant de venir à l’Olympia, en ce 24 novembre, je me disais que la soirée serait amusante. Pas pour le spectacle en lui-même : plus il approchait, moins je semblais y prêter de l’intérêt. Je voulais surtout imaginer à l’avance qui viendrait, et vérifier mes thèses sur place.
Du coup, le but du jeu était de dénicher la place la moins chère possible pour espionner les spectateurs. Drôle de loisir. Clairement, je ne l’aurais pas fait pour d’autres comédiens de stand-up étrangers. T. J. Miller ? Rien à faire. Louis C. K. ? Jamais été fan, mais j’ai essayé pour me donner bonne conscience. Survendu ? Pas ma came ? Difficile à dire, et mon avis ne compte pas. Ceux qui l’aiment et l’intelligentsia parisienne ou britannique en parlent bien mieux.
Pour Ricky Gervais, c’était différent. Qui l’adoubait sans cesse, interview sur interview ? Éric Judor. Et Éric Judor, c’est mon gourou du rire. Ce qu’il adoube, je regarde. The Office, je viens de commencer. Quand tu as vu Parks and Recreation, tu as l’impression de voir une version moins fun et plus brute. Mais tu connais le mécanisme. Ça me fait le même effet que voir Monsieur Fraize après avoir découvert Jean-Philippe de Tinguy. Imaginez ce que j’ai ressenti quand j’ai vu l’univers d’Andy Kaufman dans Man on the Moon. Ah oui, d’accord, c’est bien. C’est quand le prochain plateau d’humour à voir ?
Le spectacle ? Difficilement descriptible
Comme beaucoup, de fait, j’ai une vision assez restreinte de l’œuvre de Ricky Gervais. Je connais sa citation phare…
…Grâce à Thomas Wiesel et son TED Talk. Encore une fois, j’arrive après le tsunami. Après que la légende soit devenue légende, donc. Après Humanity, l’un des seuls spectacles Netflix que j’ai aimés. Bo Burnham, Chelsea Peretti et c’est à peu près tout. Oui, Bill Burr aussi, mais quelque chose en moi fait que je m’en cogne de son spectacle.
Il y a quelque chose de si bizarre à écouter un homme parler une heure, alors qu’on ne le connaît pas. On ne l’a pas vu tester, il nous livre son travail le plus abouti et on l’ingurgite. Sans hors d’œuvre, sans désirer la chose.
La première partie, cela dit, m’a beaucoup plu. Les comédiens anglo-saxons parlent bien plus des données personnelles qu’ici, où les gens connaissent à peine Ed Snowden. De fait, ça me parlait… Sujet actuel, sans évoquer #MeToo ou les marronniers habituels.
Découvrir Ricky Gervais à travers les yeux d’un autre
Le garçon à côté de moi dans la salle, muni de sa bière et de ses rires gras, transpirait à la fin du spectacle tellement il s’était donné. Il gesticulait ainsi dans son siège à chaque éclat de rire, complètement happé par la voix de Ricky.
Parce qu’on était si éloigné qu’on ne voyait que les étoiles du décor. Parfois, il ne manifestait aucune réaction. D’autres riaient au même moment. Chacun semblait vivre le spectacle à sa façon, de manière complètement hétérogène.
Et moi ? J’avais le morceau de Cerrone, Supernature, dans la tête. J’étais là sans être là, dans une salle où Éric Judor et Jean-Philippe de Tinguy étaient présents. Une soirée improbable. Fary, Baptiste Lecaplain, Rosa Bursztein, Dédo, Marina Rollman, Renaud Sanviti, Elspeth Graty, Anissa Omri, Fabien Guilbaud, Léopold… Qu’est-ce qui nous attirait tous ici ? L’amour de la comédie, sans doute ? L’envie de comprendre comment on se façonne une carrière internationale sur des décennies ? Ou encore le désir de décortiquer des techniques de vannes ?
Tout ce que je sais, c’est que mes questions subsistent. Ma seule certitude, donc : j’ai hâte de revoir des blagues naître, et non mourir après une longue vie aux quatre coins du monde. Les têtes d’affiche ne savent décidément pas me bousculer. Allez plutôt découvrir la newsletter HAHA, ils risquent d’avoir un véritable avis sur le spectacle. Moi, je replonge dans le stand-up français.