Spectacle – Pierre DuDza, l’imperturbable

Juliette Follin 09/03/2020

Pierre DuDza a investi La Petite Loge où il joue son spectacle depuis le début de l’année. L’humoriste, résident au Laugh Steady Crew, a connu l’enfer dans le plus petit théâtre de la capitale. Nous pensions rédiger une critique… La vie en a décidé autrement : nous vous livrons donc un reportage glaçant au plus près des agitateurs de la blague les plus radicaux.

Nb. Depuis le 15 mars, les spectacles n’ont plus lieu à La Petite Loge ou ailleurs. Consultez les dernières recommandations et informations pour savoir quand les rassemblements vont reprendre.

En immersion dans le spectacle de Pierre DuDza, nous nous heurtons à Kévin et ses potes éméchés

La soirée est inhabituelle. Mélissa Rojo, qui assure généralement la régie, fête son anniversaire et a fait venir un remplaçant. Il ne se doutait pas du bizutage qui l’attendait…

La salle se remplit assez rapidement par le fond. Un petit groupe se rapproche dangereusement du fond de la salle, au plus près de moi et Jean-Marc, l’ami fidèle de Pierre. Pourquoi une telle proximité ? Un besoin d’attention, sans doute. Mais aujourd’hui, c’est moi qui ai peur face à ce colosse qui prend place à côté de moi.

Lui, ce n’est pas Kévin. Kévin, surnommé l’homme au chapeau depuis l’affaire, réagit très bruyamment aux premières phrases de Pierre. Rapidement, la salle comprend que le perturbateur ne se calmera pas.

Pierre DuDza à bout de nerfs, mais imperturbable

Et ça ne manque pas : le fil conducteur s’est perdu dès les premières interruptions du flux de blagues. Contre toute attente, Pierre DuDza tiendra bon. Le comique jusqu’au-boutiste essaie tant bien que mal de garder l’attention du public resté silencieux. Or quand Kévin ne réagit plus, ses trois potes prennent le relais. Ils discutent entre eux et débattent comme s’ils regardaient du stand-up sur Netflix. Sur quoi débattent-ils ? Sur le fait qu’ils ignorent l’existence de la carapace bleue dans Mario Kart !

Si le spectacle de Pierre DuDza était intégré à Mario Kart, ce soir-là, il aurait été l’accumulation de tous les pièges imaginés par les concepteurs du jeu. Fait impressionnant : le spectacle traite des trous de mémoire, et Pierre n’en a eu aucun. À aucun moment il n’a eu du mal à reprendre ses blagues en cours de route ou agencer le spectacle pour conserver les rires. Le public traversait le moment avec lui, et répondait par des moments d’hilarité.

Pour autant, les interruptions de Kévin n’étaient pas les seuls pièges à signaler. Pour des gens alcoolisés, ils suivaient très bien le spectacle. Volant la vedette à l’artiste sur scène, parlant plus fort que lui, ils anticipaient les blagues… quitte à les dévoiler sans élégance dans leurs interventions. Dans le jargon, comme ailleurs, on appelle ça mettre les pieds dans le plat. Résultat : ça tombe à plat.

Face à une telle fatalité, certains se seraient noyés dans des larmes de stand-upper fragile. Pierre DuDza est resté digne, droit comme un I. C’est vrai, il s’est allongé sur scène de désarroi. Mais c’était une seule fois ! Vous rendez-vous compte ? À sa place, j’aurais fait un malaise après trois minutes.

Crash-test scénique

Au-delà de la situation cocasse, ce type d’expérience est très formateur. Rageant d’un côté, car quand on rôde, on ne peut rien tirer d’une heure perturbée de la sorte. Mais niveau mental, on est sur une épreuve de Ninja Warrior.

Il est grand temps de vous dévoiler le secret le mieux gardé de l’humour. Tous les stand-uppers rêvent d’obtenir une récompense officieuse. Cette récompense, la profession ne l’accorde pas dans les festivals et autres tremplins. Trop dangereux. Mais dans une carrière, face à des publics indomptables, certains survivent. À ceux-là, je souhaite leur offrir aujourd’hui le Prix Denis Brogniart du rire.

Épilogue : faut-il voir le spectacle de Pierre DuDza ?

Par chance, nous avions déjà vu le spectacle Post-it lors de sa troisième représentation. À l’époque, on avait trouvé Pierre DuDza assez fort dans sa manière de frôler la crise de nerfs lorsqu’il raconte ses histoires.

Entre une bataille âpre avec sa fille, ses trous de mémoire intempestifs et ses dilemmes entre capitalisme et communisme, Pierre livre un spectacle passionnant et divertissant. C’est parfois très écrit, mais heureusement, les blagues sur le chat de Schrödinger viennent alléger le tout. Si, si.

Moralité : avec des post-its, tout est possible. Même dans les soirs les plus sombres. Allez découvrir le spectacle de Pierre DuDza pour avoir le fin de mot de l’histoire !

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