Stand-up à Melun : l’incroyable plateau Jacques-a-Rit
Je savais que le stand-up à Melun était épique. J’ignorais qu’il serait mémorable. Tout a commencé à l’annonce de la programmation du 21 juillet. Lucas Drapier (remplacé par Alfred), Maoulé, Malika Bianco et Avril. Sans oublier, bien entendu, l’organisateur Adrien La Brocante.
Son nom vous dit sans doute quelque chose : il co-organise les 7 blagues de cristal. Vous savez, ce plateau pop-culture rocambolesque. Le vainqueur par KO des awards 2020 catégorie plateaux d’humour… Rien à voir avec le Jacques-a-Rit, le plateau du bar Papa Jacques qui comporte un jeu de mots et une faute de grammaire.
Stand-up à Melun : l’opération séduction d’Adrien La Brocante pour les artistes et le public
Comme on peut s’y attendre, c’est un plateau de stand-up à Melun organisé aux petits oignons. Grosse promotion locale, catering pour les artistes, lieu très enthousiaste pour accueillir de l’humour… Tous les ingrédients du succès sont réunis. La programmation est plus modeste qu’ailleurs, mais la volonté des artistes sur scène fait la différence. On pardonne les erreurs de jeunesse quand leurs auteurs sont honnêtes dans leur démarche.
Ce nouveau plateau aurait pu s’en tenir à une bonne soirée devant un public chaud-bouillant. Mais à Melun, rien ne se passe comme ailleurs. Malgré sa réputation compliquée, la ville est finalement hyper mignonne quand on lui greffe des pavés. La place Jacques Amyot, c’est plus beau que le chic de Vincennes. Vous ne l’aviez pas vu venir… Nous non plus.
Officiellement, je revenais à Melun après une longue absence pour me « recréer des souvenirs ». Ce genre de chose futile qu’on se met à faire à 30 ans, comme si l’on était en quête d’un nouveau départ. Un retour aux sources, un pèlerinage melunais. Et le faire à Melun, c’est une blague assez puissante pour agiter le monde de l’humour et pondre un papier, non ?
Ambiance « mi-cité, mi-campagne » : dépaysement garanti ?
En matière de souvenirs, c’était un festival. Prenez une ville loin de Paris, accessible uniquement via des trains SNCF ou des voitures. Ajoutez un accident grave de voyageur entre les deux villes. Saupoudrez le tout d’humoristes rémunérés au chapeau qui découvrent le concept de taxis clandestins. Mélangez et obtenez une soirée inoubliable…
Rassurez-vous : tout le monde va bien. Cette affirmation aurait sincèrement pu ne pas exister. Pour vous dire la vérité, on a flippé. Mais avant de vous livrer ces instants dignes d’une émission sur RMC Story, petit retour en arrière.
Une autre ambiance qu’à la Cartonnerie (seuls les vrais savent)
Le public de stand-up à Melun est incroyable. En tout cas, ce soir-là, ils étaient à fond. Pour une fois qu’ils n’ont pas à venir à Paris pour voir quelque chose de drôle. Certes, ils peuvent aller à la Cartonnerie de Dammarie-lès-Lys pour voir des spectacles quand il y en a. Mais une expérience de stand-up, sans l’appui du régional de l’étape Adrien La Brocante, ça n’existe pas vraiment… Cette ambiance « mi-cité, mi-campagne » offre donc un cocktail propice à de belles soirées stand-up. Le lieu est hyper sympa : un bar de quartier avec des poutres apparentes… Stéphane Plaza aimerait sûrement en être.
Et la SNCF de pimenter la soirée stand-up à Melun (malgré elle, certes)…
Pour venir à Melun, il suffit d’aller à la Gare de Lyon et de prendre un train de moins de 30 minutes. En prime, c’est souvent climatisé et le paysage est vraiment sympa. Pour rentrer de Melun, c’est un peu différent. Je savais que le quartier de la gare n’était pas très attractif la nuit. Des regards et commentaires appuyés confirmaient mes souvenirs. Donc quand le conducteur nous a conseillé de « reporter notre trajet », la SNCF abandonnant le projet de nous ramener à la Ville Lumière… L’extinction des feux a été brutale.
Première piste : le covoiturage en van. Certaines applications proposaient des trajets à 3 passagers, d’autres 4. Toutes dépassaient allègrement les 50 euros pour une course. Le van, c’était 6 personnes. Il fallait donc recruter 2 personnes : une mission hyper simple à Melun, un soir de semaine, quand personne ne veut raquer pour y dormir. Seul Alfred décide de rester dans le train, nous le quittons ici.
You’ll never walk alone
Nous étions donc 6, avec un musicien de Liverpool, bien dans la merde. Ce musicien, par ailleurs, je le croisais pour la deuxième fois. Humourman l’avait convié en interlude musical au Namek Comedy Club. Le monde est petit.
Pour l’intensité dramatique de la suite, passons au présent. Parce qu’on n’a jamais autant senti le moment présent qu’à ces instants. Comme Melun, ce n’est pas l’Australie, il n’y avait pas de van à 22h30. Notre petit groupe se dirige donc vers la sortie de la gare. Nos compagnons de route sont déjà là, mais nous ne le savons pas encore. Ils nous demandent intensément si nous allons à la gare de Lyon. Clairement, ils le savent. Ils sont là pour ça.
La décision est prise : nous allons faire confiance à des « taxis » locaux. Je déclare en aparté avoir peur d’être découpée en morceaux, car l’aventure ne fait pas partie de mon ADN. Mais les autres ont l’air de rester calmes et d’avoir plus peur de louper le dernier métro que de mourir. Ma vessie étant en phase avec ce projet, je me plie à la suite du programme.
Nos destins joués à pierre-feuille-ciseau
La suite du programme, c’est un dérivé du pierre-feuille-ciseau macabre pour définir la répartition des groupes. 3 personnes partiront dans une voiture, 3 dans l’autre. À part Maoulé qui serre le poing, tout le monde déplie sa main. Or la notion de « paume apparente » était dans la règle du jeu et tout le monde tombe d’accord. Je n’ai toujours pas compris ce moment, mais comme il m’a épargnée du cauchemar qui suivait, j’accepte ce cadeau du destin.
Le saviez-vous ? Les taxis clandestins, en plus du travail au noir, regorgent de conducteurs sans permis. Dans mon équipe, il y a Pete, le musicien de Liverpool, Maoulé et moi. Avril, Malika Bianco et une autre passagère du train suivent. On monte en voiture et on reste à l’arrêt.
Pourquoi reste-t-on à l’arrêt ? On comprend que dans l’autre voiture, il n’y a pas de GPS. C’est donc Avril et son téléphone qui se chargent de cette tâche. Mais notre conducteur ne le sait pas : il attend son collègue avant de rouler. Nos routes se séparent, la musique détend l’atmosphère et les règles du code de la route sont respectées. Même le clignotant.
L’espoir est de courte durée lorsque nous recevons les messages d’Avril et de Malika, qui évoquent un conducteur sans permis, pas très clean. Il zigzague, roule à 65 km/h sur autoroute et demande à Avril de prendre le volant. Qui a déjà connu pareille embrouille après un plateau d’humour ? Déjà que tous les chapeaux partent en fumée avec cette opération (sans oublier les 8,20 € du Melun-Paris pour ceux sans pass Navigo), alors… Tout cela éclipse vite ce moment où l’humoriste qui manque de sucre se rue sur un Kinder Bueno en gare de Melun. 2 € avalés plus tard, il ne lui reste rien.
Stand-up à Melun – Épilogue
Peu avant minuit, fort heureusement, tout le monde sort sain et sauf de l’aventure. Mieux (?) : la voiture d’Avril et de Malika est la première à arriver. Dans quel univers parallèle une personne qui roule 50 km/h moins vite que la vitesse limite autorisée arrive-t-elle avant l’autre ? C’est ce genre de nuit qui prouve que dans l’univers, tout ne s’explique pas. Qu’est devenu Alfred dans tout ça ? Il arrivait à Gare de Lyon une demi-heure plus tard, manquait le dernier métro et terminait son périple à pied. Moins spectaculaire, plus prévisible, en retard.
À Melun comme ailleurs, la vie est pleine de surprises (Melun n’a rien à voir avec ça, la SNCF est la seule coupable #prisedepositionpolitique). La prochaine fois que vous verrez Alfred, Avril, Maoulé et Malika Bianco lors d’une soirée humour, profitez de la chance que nous avons de les avoir encore avec nous.
Moralité : public de stand-up de Melun, soyez généreux au chapeau. Les humoristes en ont besoin.