Cordialement : comment Guillaume Guisset se construit à la Petite Loge
Guillaume Guisset joue son spectacle Cordialement à la Petite Loge depuis octobre 2020. Une première année tronquée, sans possibilité de tester pendant un long moment, qui l’a pourtant galvanisé. Retour en arrière.
Cet article est le deuxième de la série « Comment un artiste se construit à la Petite Loge ».
Guillaume Guisset dans Cordialement : le titre reste, le contenu et l’affiche mutent
Un spectacle d’humour évolue comme un variant : il mute pour s’adapter de plus en plus au public. Dans la première version du spectacle Cordialement à la Petite Loge, Guillaume Guisset restait englué dans une comparaison possible avec Gaspard Proust. Le mec de droite, un peu réac, un peu beau gosse, qui provoque avec intelligence et malice.
Pourtant, il semblait y avoir plusieurs nuances de Guisset. Le faux gendre idéal allait rapidement disparaître, à l’instar du côté bad boy de Brian Kinney dans la série Queer as Folk. Lors de ma première fois dans la salle, j’étais hilare. Lors de la seconde, j’étais davantage transportée, mais je ne savais pas encore où il m’amenait.
Des mois plus tard, Guillaume Guisset m’annonçait que dans Cordialement, tout changerait. Il y aurait des accessoires. Pour avoir adoré et adulé le comique d’accessoires de William Pilet, je me devais de revenir rapidement. Cependant, les deux expériences n’ont rien à voir. Les accessoires ne sont pas au centre du spectacle : le jeu l’est.
L’art de trouver un fil rouge
Autre véritable nouveauté : le fil rouge du spectacle, qui clarifie sa ligne artistique. Dans Cordialement, Guillaume Guisset proposait en ce début d’automne une interprétation moderne de la réac-attitude. Truffée de naïveté, la vision du monde de son personnage interroge habilement la bien-pensance et les consciences éveillées.
Ce n’est pas une attaque, frontale ou déviée, qui le hisserait dans les pas du baron du Medef, mais bien un autre regard sur notre société. Il se révèle tout aussi pertinent que celui de ses homologues à gauche de l’échiquier comique, parce que barré et bourré d’autodérision. La nouvelle affiche reflète ce glissement : le gendre idéal n’est plus, le rire faussement sardonique triomphe.
Qui dit glissement ne signifie pas glissement de terrain. Avec ce nouveau fil rouge, il serait aisé de tomber dans la facilité ou le cliché de l’humour de droite. Oui, mais… Encenser François Fillon tout en l’enterrant politiquement, sexualiser Angela Merkel et son partenaire de vie tout en renversant les rapports de force attendus… Voilà une manière hilarante de tourner en dérision les plus puissants de ce monde autrement qu’Usul (dont j’apprécie beaucoup l’humour caustique).
Dans Cordialement, Guillaume Guisset singe « le babtou de Neuilly »
En octobre dernier, Guillaume Guisset participait au gala télévisuel d’Alex Vizorek. Il proposait un sketch, « le babtou de Neuilly », qui raconte sa rencontre avec les causes des minorités. Comment celui qui a grandi dans un hôtel particulier découvre-t-il le vécu de ceux qui vivent de l’autre côté du périphérique ?
Il confie son rêve de banlieue plutôt que sa jeunesse dans les beaux quartiers, cherche à provoquer les forces de l’ordre pour se prendre un coup de taser… Cet angle là m’électrifie, je vous l’avoue. À l’heure où certains veulent segmenter le rire, où chaque communauté se contente d’aborder son pré carré, Guillaume Guisset s’improvise conquérant du LOL.
Autant je comprends le besoin de comédie alternative comme refuge aux lieux ou aux artistes toxiques. Autant quand c’est bien fait, on aurait tort de s’en priver. Guillaume Guisset propose ici un seul-en-scène brillant, vendeur aux yeux des pros de l’humour et qui conquiert aisément le public. Tous les voyants sont au vert pour la suite de sa carrière. Reste à savoir ce que l’avenir réserve à ce comédien à la plume affûtée et à l’espièglerie jouissive.