Philippe Battaglia, dernier auteur avant l’apocalypse

Juliette Follin 07/06/2022

Depuis des mois, je dois vous parler de Philippe Battaglia. Découvert sur la radio Couleur 3 comme tant d’autres amuseurs, cet homme est sans doute l’un des derniers auteurs marquants de notre histoire. Portrait d’un génie inclassable, des chroniques jusqu’aux ouvrages.

Philippe Battaglia, virtuose potache

Philippe Battaglia excelle en grand écart. Lors d’une émission où le réalisateur tombe de sa chaise, souffrant d’un malaise en plein direct, il poursuit dans la folie furieuse de l’instant. Une heure plus tard, il dégaine l’un de ces accessoires qui transforme l’émission en gros bordel. Jugez plutôt.

Je sais ce que vous vous demandez. Cet homme est-il un disciple de Jean-Marie Bigard ? Vous faites fausse route (vraiment). Il a plus une fibre rabelaisienne, qui triture les corps pour le meilleur. « Du cul, du sang, des gags », titrait un journaliste. Ce n’est pas un hasard s’il codirige la collection Gore des Alpes, qui comme son nom l’indique, édite des récits où le gore et les montagnes suisses s’accouplent pour le meilleur et pour le pire ! Pour ma part, je me suis délectée à la lecture de La fête de la vicieuse, excellent point de départ si vous souhaitez découvrir son travail.

Dans ses livres, même les notes de bas de page sont captivantes !

Chez Battaglia, deux marques de fabrique principales nourrissent son identité. La première, la création de personnages aux noms évocateurs de pureté ou de vice absolus. La plume est sans cesse espiègle, dorlotante même… ce qui permet d’avaler la pilule et d’ouvrir ce genre à des personnes comme moi. Traduction : qui sont incapables de regarder le moindre programme violent (même tout public, avec une musique de suspense ou la présence de Julie Lescaut).

Autre marque de fabrique : les confidences en note de bas de page. D’ordinaire, les notes de bas de page sont des abominations qui cassent la dynamique et qui font leurs intéressantes. Avec Battaglia, tout change et donne vie à des digressions hilarantes, nourrissantes. Aucun autre auteur à ce jour n’a réussi à me captiver là-bas.

Couvertures de livres de Philippe Battaglia

« Courtier en chroniques » au Nouvelliste (et plus si affinités)

De nos jours, les chroniques se consomment sur YouTube… mais aussi sur papier. En l’espèce, je ne manque aucune de ses chroniques relayées sur son compte Instagram. C’est ma petite pause plaisir coupable dans la journée ; comme quoi, il n’y a pas que des fesses sur ce réseau social, il suffit de regarder au bon endroit !

Certains racontent à la lecture du livre de Thomas VDB qu’ils l’entendent parler en le lisant. Je ressens davantage cela chez Philippe Battaglia, qui arrive à combiner la grâce de l’écriture à la chaleur de l’oralité.

Un style d’écriture à part, digne des plus grands auteurs

Quand l’écriture est fluide, inspirée et agréable, on se sent privilégié de lire. C’est là où Philippe Battaglia excelle. À mon sens, il est l’un des derniers écrivains marquants de notre époque contemporaine.

Les chroniqueurs et humoristes qui se lancent dans l’écriture parviennent à produire des récits de qualité. La puissance romanesque d’Emma de Foucaud m’a transporté dans une belle émotion. J’ai découvert avec plaisir le livre qui trahit les névroses d’Avril… Sans oublier la fougue d’un Mourad Winter et sa mitraillette de références qui font mouche.

Mais Philippe Battaglia va plus loin encore. Ce n’est pas seulement bien écrit, ou intéressant, voire palpitant. C’est un vrai style, une marque de fabrique qui vous transperce avec bonheur. Aux éditions de l’Âge d’homme, j’ai commencé par lire Personne n’aime Simon par attrait pour les antihéros. Fable fantastique aux allures de roman graphique teintée d’humour caustique : les promesses de la quatrième de couverture sont bien tenues. Et les illustrations, signées Ludovic Chappex, vous immergent davantage encore.

J’ai eu plus de mal à entrer dans Astor Pastel & les vilains gamins, tant la multitude de personnages lui permet de construire des intrigues multiples. On se balade entre les époques, entre le réalisme et l’imaginaire… Il faut accepter de lâcher prise. À mi-chemin, tout ce beau monde se rejoint et l’on retrouve ses repères. Ce qui me faisait tenir et persister dans la lecture, alors que je me sentais perdue, c’était le style et la beauté romanesque injectée dans les personnages.

Si vous souhaitez sortir des sentiers battus, découvrir un auteur méconnu hors de Suisse et découvrir un écrivain remarquable, Philippe Battaglia est votre homme. Son écriture frénétique l’amène à publier encore et encore… Alors vous ne manquerez jamais de lecture pour les prochaines années !

Philippe Battaglia en livres, de 2012 à 2021

LivreMaison d’éditionDate de sortie / nombre de pages
Le Jour des Cons
(Tadzul Lempke’s Triptyque de l’Insulte t. 1)
La Puce Nanoédition2012, 44 pages
Sale Pute! – Une histoire de Rape n’Revenge
(Tadzul Lempke’s Triptyque de l’Insulte t. 2)
La Puce Nanoédition2014, 60 pages
Des Truies pour PiggyBoy: Kill PiggyBoy Gruik Gruiiik 
(Tadzul Lempke’s Triptyque de l’Insulte t. 3)
La Puce Nanoédition2016, 62 pages
Personne n’aime SimonL’Âge d’homme2019, 136 pages
La robe de bétonGore des Alpes2019, 104 pages
Astor Pastel & les vilains gaminsL’Âge d’homme2020, 192 pages
La fête de la vicieuseGore des Alpes2020, 114 pages
Ça sent le sapinGore des Alpes2021, 120 pages

Crédits photo

Image à la une © Kenza Wadimoff

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