Rébecca Balestra et le stand-up : un mariage heureux ?
Quand une comédienne se lance dans le stand-up, c’est toujours un événement. Rébecca Balestra, c’est quelqu’un au théâtre en Suisse. À juste titre, par ailleurs. Retour sur ses débuts en stand-up à l’ABC (Lausanne).
Rébecca Balestra à l’orée de sa reconversion scénique ?
Pour les puristes de l’humour, l’accueil de ces reconversions scéniques ne se fait pas sans méfiance. Bien sûr, la clémence nous oblige à laisser du temps. Mais le spectacle de Rébecca Balestra ne permet pas un tel luxe temporel. Pire : avant même son lancement, la presse suisse la plus en vue la tarissait d’éloges…
Rébecca, c’est certain, va piler, concasser, pulvériser des briques. « Mon moteur, c’est l’angoisse » pourrait devenir son slogan. Tant mieux. Comme disait le philosophe Kierkegaard : « L’angoisse, c’est le vertige de la liberté. »
L’Illustré (portrait)
Après ce solo, vous ne regarderez plus jamais un sketch de Thomas Wiesel de la même manière.
Le Temps (critique, réservée aux abonnés)
La pression médiatique, la collaboration avec Marina Rollman… Prise de risque maximale ?
Impossible donc de se préparer en toute discrétion. C’est d’autant plus vrai qu’à la collaboration artistique, on retrouve… Marina Rollman. Le ton est donné : niveau pression, on atteint des sommets.
En cette rentrée, Rébecca assure donc plusieurs représentations à l’ABC, un bar-club où les couleurs dominantes sont le rose et le noir. L’ambiance est idéale pour celle qui passe de la lumière des projecteurs à l’obscurité et la promiscuité des caves.
Rébecca Balestra arbore une tenue « de briques et de broc » pour casser le quatrième mur
Au premier contact, Rébecca brille. Sa tenue de scène ? Un costume motif briques en clin d’œil au stand-up et qui s’accompagne d’ornements scintillants. La tenue représente ainsi une première blague recherchée, élégante, aux antipodes de l’autodérision.
Rébecca Balestra est éloquente, en maîtrise. Elle se justifie un temps de passer du côté moins glorieux de ce genre de spectacles. L’humour, en Suisse comme en France, c’est le vulgaire, ce qui n’obtient pas de subvention. Mais à trop vouloir se placer en marge du stand-up, Rébecca Balestra snobe l’exercice au lieu de l’embrasser.
Cette heure hors-sol est agréable pour ceux qui aiment voir des artistes proposer du méta-humour… ou encore étaler leur culture élitiste face à un public plus « popu ». Mais pour ceux qui cherchent de la substance dans « un stand-up » (sic !), l’ennui les guette. Et ce malgré une écriture très intéressante, déjà remarquée en chronique sur les ondes de la RTS.
Un marketing parfaitement ficelé, mais une œuvre qui manque de maturation
Sur le plan marketing, ce spectacle est parfaitement ficelé. Mais cette œuvre n’a malheureusement pas eu le temps de prendre forme. Au lieu de parler de Jésus, des peintures et des musées, et si Rébecca livrait une parole plus authentique et personnelle ? On sentait par exemple qu’elle abordait son vagin pour rentrer dans l’un des clichés du stand-up. Comme un passage obligé ? Il en allait en tout cas de même pour les interactions ou la description du langage corporel de Thomas Wiesel sur scène.
Rassurez-vous, tout n’est pas à jeter dans cette heure. Rébecca Balestra a peut-être simplement besoin d’éprouver son œuvre dans les salles de gym humoristiques : les plateaux d’humour et autres comedy clubs. Il faut comprendre ce qu’est le stand-up pour l’incarner, et si elle se frotte à l’exercice, la coquille ne restera pas vide bien longtemps.
Rébecca Balestra, la Rosa Bursztein suisse à l’assaut du stand-up ?
D’une certaine manière, elle m’a fait penser à Rosa Bursztein à ses débuts. Un premier spectacle d’initiation où l’on imite ce qui se fait, sans bien comprendre les tenants et aboutissants. Fait amusant, les deux comédiennes devenues stand-uppeuses partagent les mêmes initiales… On souhaite donc à Rébecca de partager davantage de points communs avec Rosa et de trouver sa place singulière dans ce joyeux bordel qu’est le stand-up.
Elle a en tout cas le potentiel pour suivre le même chemin, mais aura-t-elle le feu sacré pour l’arpenter ? Tout cela n’était-il qu’une lubie de programmateurs zélés, qui voulaient injecter du théâtre contemporain dans le dernier courant scénique à la mode ? L’avenir nous le dira…