Turbulences belges : on était au gala d’ouverture
Le 28 octobre, 10 humoristes de la scène émergente belge se produisaient au Centre Wallonie Bruxelles à Paris. L’événement marquait le coup d’envoi du festival « Turbulences belges », des soirées humour dans des lieux emblématiques de la capitale française.
Le gouvernement belge derrière ses artistes émergents : en 2023, ça existe encore…
L’initiative, soutenue par le gouvernement (oui, ils en ont un maintenant !), réunissait un nombre incalculable de professionnels… et le président-ministre Pierre-Yves Jeholet. Je n’ai pas compris le concept, allez voir ici pour comprendre. Disons simplement qu’à un moment où on embête Guillaume Meurice pour une blague, non loin de chez notre pays de fous, un gouvernement soutient l’humour comme art noble… Une chose à nuancer bien entendu, l’action d’un jour ne résumant pas toute une politique…
La soirée durait plus de deux heures, ce qui ne me semblait pas si long que ça… Ils sont tombés sur l’un de mes bons jours, peut-être. Aussi, la curiosité me maintenait en éveil.
Sarah Lélé, révélation de la soirée
Celle qui sortait du lot, c’était Sarah Lélé. Fanny Ruwet en parle depuis un bon moment en des termes plus qu’élogieux… Une promotion patriotique à laquelle on a l’habitude en Belgique, bien sûr. En effet, vous ne trouverez guère plus soudée comme communauté humour.
Mais pour Sarah, la promotion était plus que fidèle. C’était drôle, bien amené, singulier, efficace, fun… Un alignement des planètes qui faisait d’elle ma révélation de la soirée.
Entre stand-uppers modernes et humoristes au matériel parfois daté, une soirée éclectique
Les dix talents sur scène n’étaient pas faits du même bois. Cet échantillon montrait une modernisation de la scène, fidèle à ce qu’on peut voir dans d’autres pays francophones qui se mettent au stand-up. Mais d’irréductibles humoristes au matériel daté formaient un caillou dans la chaussure de ce bel écrin. Citons notamment les imitations de voix de femmes fleurant bon le sexisme pour vous planter le décor.
Kostia ne tombait pas trop dans cet écueil, mais sa voix et son contenu me rappelaient un peu l’ambiance de Rire et chansons des années 2000. Après, pas de panique, les sketches n’étaient pas mauvais, c’était juste autre chose. Une forme de Bruno Salomone des temps modernes. On me dit d’ailleurs dans l’oreillette qu’il travaille à se moderniser… Ensuite, je retrouvais un autre artiste croisé il y a fort longtemps en sélection de festival. Denis Richir tombait dans les imitations grotesques, mais il faut aussi le remettre en contexte. À l’époque, je trouvais que presque tout son matos était à jeter, j’en garde un assez mauvais souvenir.
Aujourd’hui, je comprends pourquoi cela peut plaire, mais ça me semble encore trop daté. Quand je vois qu’il a pu se payer Montreux, au détriment d’autres probablement dans cette sélection, je grince un peu des dents. Mais la Juliette de 2023 est plus assagie que celle de 2017 ou 2018 et j’imagine qu’il y a des choses qui m’échappent sur son univers complet. Peut-être n’est-ce tout simplement pas mon style ?
Anthony Circus soufflait le chaud et le froid : à certains moments, c’était très cool… Mais à d’autres moments, ma satisfaction n’était pas aussi marquée. Difficile de déterminer ce qu’on aime en quelques minutes, mais le début me convainquait suffisamment pour conserver une image positive. Il faut dire qu’il était l’auteur de la blague-roast sur les chroniques de Félix Radu ! Ça m’a fait doublement rire car j’avais la ref… Mais aussi parce qu’Urbain a décidé de le roaster avec force mauvaise foi dans Plutôt caustique… Double ref ultime qui n’a pas provoqué tant d’émoi pour le reste de la salle, tant cela est méta. Passons.
Rire de Mimie Mathy, serait-ce vraiment interdit ?
Parmi les autres belles promesses, on retrouvait Mehdi BTB. Une partie de son set était un peu typique du stand-up, mais l’autre donnait envie d‘en découvrir plus. Il faut que jeunesse se fasse… Je parle vraiment comme une personne qui écoutait Rire et chansons en Renault 19 la clope au bec, pardonnez-moi. Autre souvenir sporadique pour continuer dans les jeux de mots à tendance beauf : je trouve qu’André Demarteau frappe fort. J’ai complètement oublié le contenu de son passage, mais pas cette impression de convaincre avec sa posture scénique malgré un texte sans doute perfectible.
Je ne sais pas si vous connaissez le livre de Briac, Le guide ultime du stand-up. Dedans, l’humoriste aux conseils avisés dit qu’il ne faut plus trop faire rire autour de Mimie Mathy. Même s’il n’interdit pas la pratique, il trouve ce lieu commun un peu naze. On le comprend, bien sûr. Or tous les fans de Gaëtan Delferière savent qu’en vrai, on peut. Le souvenir du 30-30 Ruwet-Wiesel me revenait avec bonheur quand je voyais à nouveau des blagues sur Joséphine, ange gardien. Vous me direz, Briac parle de l’artiste, Gaëtan de la série qui a peuplé mes lundis soirs (coup dur). Le secret ? Il a étiré le sujet jusqu’au bout du bout, pour le meilleur et pour le rire. Toujours un franc succès pour cet artiste qui sait se distinguer !
Julie Geller et Sacha Ferra, acte II
Je revoyais Julie Geller deux ans après le festival Soyaux Fou d’Humour. Je trouvais le passage plus en phase avec mes attentes sur le fond. Ma +1, sans cet historique, n’a pas accroché. Pour le comprendre, il faut saisir que cet humour grinçant manipule la noirceur, les moments de non-gloire de nos existences. On a quand même l’impression de se téléporter chez un gynécologue puis un dentiste en un passage. Quand ce rendez-vous n’est pas consenti, sans préliminaire ou notice d’information, ça peut déranger. L’interprétation est juste, disons que ce n’est pas pour tout le monde…
J’ai peu de choses à dire sur Sacha Ferra car j’ai besoin de le voir sur un format long pour savoir ce qu’il a dans le ventre. Je l’ai vu en première partie de Lorenzo Mancini… J’y viens, soyez patients… Moi aussi, je trouve ça long, cette attente entre deux prestations de l’architecte qui fait des blagues.
À l’époque, je trouvais le passage de Sacha frais, efficace pour du stand-up mais peut-être à singulariser. Comme il passait en dernier, je me trouvais en semi-sommeil (pardon). Son T-shirt blanc, dans cette salle, reflétait et je n’arrivais pas à le regarder tant ça m’éblouissait. Un détail qui a clairement nui à ma capacité de jugement, j’en suis navrée. Hâte de voir le premier Montreux de ce mec qui fait des super vlogs, comme en témoigne la vidéo ci-dessous.
Lorenzo Mancini, Alex Vizorek et la ventriloquie (sous-titre non contractuel)
Finissons ce résumé par le premier de la soirée. D’abord, un fait amusant sur cette entame. Alex Vizorek animait la soirée et devait lire des mini-bios d’artistes fournies par leurs soins. Pour celle de Lorenzo, j’ai su dès les premiers mots qu’il allait passer premier. Une intuition très simple puisqu’il lisait mes mots. Vous savez, ceux rédigés pour les portraits des awards. Je suis désormais ventriloque d’un artiste (Vizorek) qui adore se faire mousser car il a bossé chez France Inter et RTL. C’est le genre d’influence qui me botte. *Ne pas faire de jeu de mot sur le fait que la Belgique, ce n’est pas l’Italie*.
Revenons à Lorenzo Mancini, qui faisait du sûr. Un mélange de ce qui a été vu partout et aussi dans l’émission sur Tipik « Comme à la maison ». Je trouve ce concept cool. Si vous avez un VPN, allez regarder, c’est bonnard comme disent les Suisses. Vous pourrez comprendre son rapport à la langue flamande et les théories qui en découlent, entre autres réjouissances, puisque certains éléments coïncident avec les deux passages télé et le gala.
Comme les fois précédentes, c’est très bien et ça donne envie d’en voir plus. Et c’est peut-être même un peu réducteur, car Origami est un spectacle assez ambitieux. Comprenez : difficile à condenser fidèlement sur un format si court.
Les Belges à Paris : on veut plus qu’une quinzaine !
Que retenir de cette soirée avec tout le gratin ? Il y avait trois médias télé, le boss de Montreux, celle qu’on surnomme la « Kin », aka Émilie Kindinis… Gérard Sibelle (le texte, le texte, le texte !), Geneviève Boitte (la SACD)… Et tant d’autres !
Alors les professionnels, on prend son bâton de pèlerin, on programme ces nouveaux talents avec intelligence et on justifie l’investissement du gouvernement belge. Car cette soirée laisse finalement sur sa faim. En effet, c’est un gala introductif à l’instant T qui permet de noter ces noms. Aux humoristes de saisir l’opportunité et se faire une place à Paris. On leur souhaite le meilleur.
Quelques ressources pour suivre les humoristes belges
Depuis quelques années, la scène belge se structure à vitesse grand V. Voici quelques points d’entrée (il y en a sans doute d’autres !) :
- La vie est une fête, production belge aux talents multiples
- Just A Smile, menée par la productrice indépendante Justine Tassignon
- Le collectif What the fun
- La FBPH, initiatrice de la quinzaine
- Le podcast Humeurs humoristiques de Régis Canon, qui s’étend à la francophonie
- L’Open Mic Academy, qui propose des formations et du coaching avec des artistes aguerris
- Les passerelles de stand-up, de l’open mic aux comedy clubs (Kings, Petit Kings)
- Les replays de l’émission Comme à la maison (en Belgique uniquement)