Virginie Fortin à l’assaut de Paris avec le show Mes sentiments
Viriginie Fortin présentait son spectacle Mes sentiments lors d’une tournée européenne. L’humoriste québécoise a déjà arpenté Paris et d’autres villes pour son spectacle précédent autour de l’espace. Très attendue, elle affichait logiquement complet au Petit Gymnase. Nous étions à cette soirée, trépignant d’impatience tout en méconnaissant son travail.
Virginie Fortin dans Mes sentiments : de l’humour recherché pour initiés ?
Comme Yann Marguet, comme Marina Rollman, la première rencontre avec un spectacle de Virginie Fortin n’a pas été flamboyante. Ces propositions de stand-up à cheval avec les seuls-en-scène, tout en finesse, demandent un peu plus que du speed dating pour infuser.
Ce sont des formes d’humour s’accouplant avec l’art contemporain… Ou disons que c’est recherché. On n’est pas sur du Nanette non plus, mais ça ne vous plie pas en deux. Je veux qu’on me plie en deux sauvagement dans une salle de spectacle, apparemment. Ou alors qu’on me plonge dans une rêverie loin du quotidien. Tout, hormis la réflexion. Je suis pas prête de bosser chez Télérama.
Néanmoins, il faut que je vous parle de Mes sentiments de Virginie Fortin. Un nouveau spectacle (j’ai loupé celui sur l’espace, aucune comparaison possible). Une maîtrise de la scène digne des plus grands. L’humour québécois n’est pas labellisé comme le meilleur francophone pour rien. On s’adresse à des adultes consentants de voir du stand-up. Public éduqué qui comprend le concept de prémisse. Qui rit de manière foutraque, parfois en milieu de prémisse. Soit ils sont devins, soit ils ont déjà vu le show.
Un spectacle sur le temps et le vide existentiel plus que les sentiments
La première partie est une sorte de monologue sur le temps, la nostalgie et quelques souvenirs d’enfance. J’aurais bien de la peine à lister tous les sujets, tant ils étaient nombreux. Cette cascade de réflexions se suffit à elle-même pour faire rire. Une prouesse que je n’avais jamais constatée. Même pas chez Yann Marguet ou Marina Rollman, entendons-nous bien. Si cette forme me déstabilisait, il n’en était rien pour le reste de l’assemblée.
Mes sentiments ne parle pas de sentiments, comme j’ai fini par le comprendre. Lost in translation que j’étais face au spectacle de Virginie Fortin, je cherchais des prises comme à l’escalade. Fatalement, je me retrouvais propulsée dans le vide, planant dans un inconfort total. J’aurais dû mieux préparer le terrain, regarder plus que la minute de bande-annonce, alléchante par ailleurs.
Plusieurs hypothèses émergent donc : je suis trop humour pipi-caca et je devrais sans doute adorer Comedy class. Non — impossible, malheureux ! Ça doit être autre chose. J’en ai trop vu, amenez-moi de la bouffe pendant les shows histoire que je ne sois pas frustrée de sortir de chez moi. Blague à part, je sens que je sature, mon cerveau ne traitant plus l’information sauf si elle m’arrive primitive, narcissique. Je m’inquiète de mon pouvoir de critique, tout à coup. C’est comme avec Ricky Gervais : qui suis-je pour juger ?
Plaidoyer pour une nouvelle chance
À mon sens, tout ceci est bien moins sordide que ça en a l’air. Pensons aux premiers rencards non concluants : vous pensez ne pas faire d’impair et la personne en face ne veut plus vous voir. Vous n’avez montré que si peu, l’autre était simplement fermée. Alors chère Virginie Fortin, sachez que j’étais indisposée à aimer votre œuvre aussi bien qu’elle le méritait. C’était de l’ordre du virtuose, mais peut-être que ce soir-là, j’étais d’humeur à m’enjailler sur des airs d’Eurovision. Donnons-nous rendez-vous une nouvelle fois, si vous le voulez bien. Parce que cela ne peut pas définir mon jugement pour toujours. On s’est croisées au One More Joke, au 44 rue de la Folie-Méricourt.
C’était là, notre première rencontre, pas au sous-sol d’un endroit où je n’ai pas réussi à ouvrir la porte et sortir, étant la première à m’enfuir, indigne d’apprécier ce travail d’orfèvre. Peut-être que les multiples ricanements sur la campagne suisse m’ont braquée. Je me souvenais qu’elle a joué à Genève, je ne savais pas pour Saviese, d’où l’impression qu’elle a voulu acheter les parigots en chiant sur le petit frère helvète. Not on my watch.
J’ai conscience de vous tendre la carte du « c’est pas toi, c’est moi », mais je le fais en toute honnêteté et vulnérabilité. Ceux qui ont vu le spectacle comprendront. Je souhaite le plus grand succès à Virginie Fortin. Son spectacle ravira les comedy nerds férus de techniques de blagues. En effet, il est dans la lignée des shows québécois sur la qualité d’écriture, de réflexion et de standing. Pour preuve, Louis Bolla (de la revue HAHA) et Régis Canon (du podcast Humeurs humoristiques) ont adoré le show… Pour ceux qui cherchaient de la passion amoureuse, ce sera peut-être pour une autre fois (ou sur Canal+ avec Florence Foresti…).