Top spectacles 2024 : ces 4 shows valent le détour

Juliette Follin 01/07/2024

Ces derniers mois, j’ai vécu deux types d’expérience au théâtre. D’une part, certains artistes touchaient davantage le grand public et me laissaient sur ma faim. D’autre part, je découvrais quelques spectacles sous-cotés qui méritent qu’on s’y attarde. Entre propos brillants, incisifs et poétiques, vous en aurez pour vos zygomatiques ! Zoom sur nos top spectacles de 2024 signés Arezki Chougar, Elsa Barrère, Lorenzo Mancini et Yoanna Sallese.

Top spectacles 2024 : dans Presque humain, Arezki Chougar confirme son talent au BO Saint Martin

Arezki Chougar prend petit à petit la place qu’il mérite dans le monde de l’humour. France Inter n’a pas encore fait de lui un permanent — tant mieux, il aurait sans doute démissionné. Très sincèrement, c’est un affront. Peut-être est-il trop brillant ou politiquement informé pour avoir sa place dans l’Inter pré-fusion audiovisuelle ?

En tout cas, son retour en salles à Paris a fait du bien. Nous étions à la première de ce renouveau au BO Saint Martin. Dans le public, des observateurs informés et comiques de qualité (un peu de niche). Adèle Barber et Léopold (pas Lemarchand, l’originel de Twitch) m’escortaient dans cette heure très drôle, aussi profonde que légère.

Arezki a toute mon admiration depuis des années. Il traite tous ses sujets de manière réfléchie sans en faire des caisses. Espiègle au possible dans ses apéros-bobos où il trolle intérieurement, il se veut incisif pour narrer la société d’aujourd’hui. Forcément, on vivait tous un excellent moment, promesse de lendemains fructueux. Comme souvent, ce sera juste une question de temps.

Top spectacles 2024 : Elsa Barrère se distingue au Métropole avec son stand-up Embrouilles

Elsa Barrère s’embrouille avec tout le monde, même votre serviteur à notre rencontre. C’est que tout va bien, en réalité. Cette femme, autrice à Canal+, fait ses gammes depuis des années en comedy club. Sans aucune concession sur l’artistique, elle a construit son endroit comique. De quoi mériter son classement parmi notre sélection de top spectacles 2024 !

Elle enchaîne les one-lines au rythme de mitraillette — nous sommes en guerre, après tout. Cela demande ainsi une attention de tous les instants. Attention récompensée par un rire qui fait du bien. Là où tous les spectacles se ressemblent de plus en plus, celui-ci est à part.

Dans Embrouilles, Elsa Barrère sublime sa personnalité avec de la comédie. Avec un rythme légèrement plus digeste, elle rendrait une copie parfaite. Cependant, à mesure que le spectateur reçoit ses saillies à la vitesse de la lumière, il comprend qu’un autre rythme trahirait son personnage. Parce qu’Elsa est fidèle à elle-même, son heure corrosive vous nettoie de rire. Une expérience jouissive à une époque ou trop de stand-uppers vous servent une soupe insipide.

Lorenzo Mancini au Kings Comedy Club, le timide devenu (grand) comique

Après l’avoir vu en festival et au théâtre, j’ai assisté au spectacle Origami de Lorenzo Mancini en comedy club. Le Kings, à Bruxelles, a toujours été un QG qui lui a souri. L’humoriste belge régale ainsi la Wallonie avec son show poétique Origami depuis plusieurs années.

Qu’ai-je remarqué sur place lors de sa dernière avant les vacances ? Sa poésie, il nous l’offre de manière plus brute, à la sauce stand-up, dans un comedy club. Les transitions se veulent plus discrètes, moins grandiloquentes que via des effets lumière.

Il reste néanmoins l’essentiel, l’authenticité d’un timide devenu comique. Au spot du rire, on adore les timides. Thomas Wiesel, Adrien Montowski, Sarah Normal… Ce sont des joyaux, parfois malmenés par les médias.

J’ai toujours en travers de la gorge les mots du Parisien à propos de Jean-Philippe de Tinguy. Son « manque de confiance en soi », qu’ils qualifiaient de « faiblesse ». Au vu du monde qui part en couille, douter, être dans la réserve plutôt que fanfaronner me semble être un signe de très bonne santé. Et ça fait du bien au public. En effet, voir un artiste dépasser sa timidité, ça l’encourage à sortir de sa zone de confort à son tour.

Si Fanny Ruwet cartonne avec le podcast Les gens qui doutent, les stand-uppers subliment leurs failles sur scène avec brio

Les humoristes ne sont pas obligés de se muer en Patrick Sébastien pour exister, et c’est heureux. En prime, ils peuvent glisser une vanne sur le tourneur de serviettes en chef si ça vous chagrine… Lorenzo désamorce souvent sa poésie et son calme affiché avec des « délires » sans fin. Aux antipodes des interactions insipides, il offre un spectacle qui va — bientôt, on l’espère — débarquer à Paris.

Le premier qui me dira « c’est le même titre qu’Ahmed Sylla », qu’il se pose bien des questions sur la chronologie des événements. Qu’il comprenne qu’un type sans grosse boîte de prod a mis toutes ses tripes dans un concept qui lui colle à la peau et le singularise comme personne. Coïncidence ou copie fourbe ? Quelle que soit la réponse, face à la grosse re-sta d’une arrogance crasse, l’architecte belge est sans doute le meilleur artiste de l’équation. Et ça ne date pas d’hier…

Dans C’est pas grave, Yoanna Sallese confirme la singularité des humoristes suisses à Paris

Yoanna Sallese est quelque peu à part sur la scène humoristique. Ce profil fluide entre stand-up et théâtre intrigue le milieu, allergique au compromis entre les deux formes. Pourquoi la concurrence des néo-artistes est-elle hébétée devant ce phénomène qu’elle appréhende mal ? Contrairement à tant d’humoristes de comedy club, elle parvient à rester hermétique au formatage. Dans son spectacle C’est pas grave, vous ne verrez donc pas de discours militant consensuel ou d’autodérision frisant le pathos.

En recherche de repères sur une scène ultra-concurrentielle, elle proposait ainsi plusieurs exceptionnelles au Point Virgule ce printemps. Antoinette Colin l’a par ailleurs prise sous son aile pour étoffer ce spectacle. Certains pourraient s’en émouvoir… Or les deux femmes se retrouvent dans un sentier comique entre tradition et modernité.

Un rodage annonciateur de grand spectacle pour Yoanna Sallese

Sa fougue et son ambition amènent Yoanna Sallese à construire cette première heure avec beaucoup de gourmandise et d’originalité. La matière est drue et mérite encore un affinage. Le contraste est saisissant avec nos habitudes, car les artistes cherchent plutôt à broder pour élargir leurs shows. Yoanna, au contraire, fourmille d’idées et travaille à canaliser son côté moulin à parole. Sans aucun doute, la forme du spectacle s’en retrouvera musclée. Le tout facilitera le marketing autour du spectacle in fine.

Pour l’heure, j’apprécie tout particulièrement son propos authentique et sa gouaille singulière. Yoanna Sallese détonne à chaque lieu qu’elle arpente. Ce faisant, elle ne vous laissera jamais indifférents. Je perçois un potentiel énorme chez elle ; il nous suffit de prendre notre mal en patience pour le voir éclore. En effet, certains risquent fort de retourner leur veste quand elle fera l’unanimité chez le public et les professionnels, en France comme en Suisse… On prend les paris ? Rendez-vous au Lieu dès la rentrée pour assister à la genèse de son spectacle !

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