La saison humour 2024-2025 est lancée !

Juliette Follin 02/09/2024

Après 7 ans à découvrir des artistes, l’heure est venue de les voir voler de leurs propres ailes. L’ère n’est plus tant à la découverte, tant les artistes ont foisonné durant la décennie précédente.

La saison dernière, c’était violent. Comedy Class (bientôt la saison 2 ?), le #MeToo stand-up (qui continue…), la polarisation des luttes, Meurice vs. Dati vs. France Inter, Aram vs. Lompret/Gardin… Chacun a perdu des plumes dans l’aventure, allant presque jusqu’à oublier la raison de notre passion.

Impossible de ne pas s’exposer à ce merdier en moins de deux clics sur les plateformes et en moins de quelques heures dans les principaux comedy clubs. L’industrie doit se réveiller, sinon le crash du stand-up risque bien d’arriver. Ironique quand on sait qu’hier à peine, on parlait de l’âge d’or de la discipline.

Cette saison est donc cruciale pour revenir sur de bons rails. Au spot du rire, on parie sur un partenariat un peu fun qu’on a hâte de pouvoir concrétiser… Tout en conservant quelques fondamentaux (découvertes humour, critiques de spectacles, articles décalés, etc.).

En revanche, nous allons lever le pied sur la promotion des plateaux, car certains lieux (pompes à fric ?) se concentrent parfois sur l’environnement et oublient clairement la dimension artistique. Tant pis pour la promesse de la carte des plateaux, on s’y remettra quand cela redeviendra un plaisir de s’y rendre…

En parlant de plaisir, quand tout semblait assez morose, le One More Joke a annoncé son retour en format comedy club. Il fallait donc vivre cette traversée du désert lugubre à la concurrence avant de revenir aux sources du 44 rue de la Folie Méricourt ? Seul l’avenir nous le dira, dans un autre lieu du onzième, évidemment…

Un seul média vous manque et tout est dépeuplé ?

On a aussi déploré les derniers numéros de la revue HAHA. Le jour où je l’ai appris, cela a été une déflagration. Je l’ai vécu comme un couperet violent, qu’on assénait à la presse humoristique de qualité.

Est-ce la fin de l’ère des spécialistes humour ? Va-t-on, comme dans les sports mécaniques, connaître notre Netflix du LOL et voir la discipline se populariser, quitte à inventer des intrigues erronées qui propulsent n’importe qui ?

Je n’ai jamais été très visionnaire sur le futur d’une industrie, donc je vais réserver mon jugement. Cependant, l’expérience m’a dicté qu’il ne fallait jamais rien lâcher. Sinon, quelqu’un d’autre prendra la parole et si cela se passe comme pour la F1, des gens charismatiques vont vulgariser les choses à l’extrême en omettant l’essentiel. Capter la lumière en tant qu’artiste, ça se mérite. Ainsi, nous veillerons, comme toujours, à remettre l’église au milieu du village…

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Plaidoyer pour une meilleur représentativité comique

La saison dernière, le stand-up parisien et moi, ça n’était donc plus si harmonieux. J’ai souvent trouvé refuge en francophonie, là où les artistes sont parfois snobés du paysage médiatique… Mais au cœur de l’été, même là-bas, je ne savais plus trop ce que je venais chercher.

Et si le snobisme des artistes hors de Paris n’était qu’une chimère ? La curiosité titille tous les observateurs, qui continuent de découvrir, de critiquer et de promouvoir toujours plus de monde. Puisque l‘époque change, les institutions de l’humour sont mises à rude épreuve. Il était temps, même si les effets sont lents à constater…

Je me souviens du coup de gueule de Valentine Mabille, à la tête de Fourchette Suisse Productions, au festival d’Avignon. Dans une réunion publique, elle fustigeait la table ronde à la sauce boys club, suppliant de voir plus de représentativité.

À mon sens, elle a été l’une des personnalités de l’ombre de la saison 2023-2024. On a beaucoup parlé de Jessie Varin et la charte de bonne conduite dans les comedy clubs. Mais le travail de Valentine pour faire émerger la diversité dans l’humour a été sans précédent. Elle a hissé ses artistes le plus haut possible…

Or certains grinçaient des dents. En effet, ils se demandent pourquoi certains profils qui n’ont pas les fameux 3T dans Télérama obtiennent une visibilité aussi accrue. Je pense que ce n’est pas la bonne interrogation. Ainsi, pourquoi le reste de la profession n’arrive pas à s’aligner pour défendre ses talents avec autant d’ardeur et de passion ? Faut-il éduquer les médias comme le public à la chose comique plutôt qu’au message ? Ou les réfractaires sont-ils en passe de rater le train du monde moderne ?

Valentine a simplement réussi à rééquilibrer la balance (toutes proportions gardées…) pour des personnes exclues des boys clubs et cercles de pouvoir habituels. Quant au fait que certaines propositions sont plus fortes par leur message que par leur sens comique, cela se vérifie parfois, bien sûr. Cependant, les détracteurs s’en émeuvent surtout lorsque ce ne sont pas des mecs stand-uppers sur scène… Un phénomène bien analysé par Jessie Varin dans Les jours et sa série incroyable sur le stand-up : il faut du temps avant d’éclore et de confirmer son statut d’artiste…

L’algorithme devrait avoir bon dos : ressortons nos boussoles comiques !

À l’ère des algorithmes et de la radicalité, la chose comique doit être défendue bec et ongles. L’humour est certes subjectif, mais nous devons distinguer une proposition artistique qui ne nous parle pas d’un foutage de gueule monté de toutes pièces.

L’an passé, des programmateurs très influents ont dû se soumettre aux chiffres des réseaux sociaux et des plateformes… Contre leur gré, ils alignaient des personnes qui n’avaient rien à faire là. Fulminant dans l’ombre, ces personnes perdaient le contrôle de leur métier. Dans le même temps, les appels à la déprogrammation d’artistes mis en cause pour des violences sexistes et sexuelles n’ont pas toujours été entendus.

À l’heure actuelle, les professionnels de l’humour découvrent en off les comportements des uns et des autres. Quelle est leur marge de manœuvre pour les déprogrammer avant toute révélation ? Difficile de ne pas avoir la nausée quand il faut supporter le passage d’une personne qu’on identifie comme agresseur ou harceleur présumé. Cela rend difficile les conditions de travail pour les artistes comme les pros.

Au-delà de ces aspects judiciaires, la programmation et la médiatisation des artistes seront, cette année encore, cruciaux. Dans un second temps, il faudra permettre aux artistes de la nouvelle génération de toucher le grand public. Leur talent a éclos ; permettons-leur de passer un cap et pérenniser leur carrière.

La professionnalisation du stand-up suit son cours. Certains artistes y parviennent, tandis que les médias patinent, faute de moyens ou de considération. Même s’il est difficile de maintenir un média indépendant et bénévole, en hommage au travail exemplaire de la revue HAHA jusqu’ici, je tiens bon. Peut-être moins régulièrement, mais toujours avec la même exigence. Jusqu’à la fin de l’année, les contenus sont garantis. Pour la suite, il pourrait y avoir moins de régularité… Mais je ne peux pas me prononcer à l’heure actuelle. Je ferai tout pour, soyez-en sûrs.

Je vous souhaite une excellente année, fourmillante de spectacles d’humour et de plateaux de qualité (si, il en reste — je veux encore y croire) !

Dans le rétro : quelques analyses sur le stand-up que vous avez peut-être loupé à l’époque…

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