Hugo Pêcheur, l’humoriste pressé d’en découdre
Hugo Pêcheur fait ses classes dans la nouvelle génération du stand-up. Besogneux, il écume les plateaux et crée le Plouf, puis lance le podcast Golri… Et surtout, il investit la Petite Loge en 2023 avec la genèse du spectacle Clochette, vu au BO Saint Martin cet automne.
Un parcours méthodique et stratégique que je n’ai pas tout de suite souhaité découvrir. Quelque chose me retenait : le pitch de son rodage. Un stand-upper qui veut plaire aux femmes à tout prix, c’est à la fois déjà vu et légèrement cringe. Or s’il joue à la Petite Loge, c’est que le potentiel est là.
Hugo Pêcheur : un enfant du Paname en quête de succès avec Clochette
Ce potentiel, on le verra naître à Génération Paname. Son stand-up efficace est certes classique, mais Hugo Pêcheur a un truc en plus. Il est hype, le public de la gen Z (il est de 1997) le voit déjà incontournable. En ce sens, il me rappelle Tom Baldetti à ses débuts : validation rapide, détermination dans les choix de carrière, spectacle en travail…
Le propos allait-il suivre pour proposer quelque chose qui le distingue de la masse ? Point positif : le pitch de Clochette met de côté l’aspect « plaire aux femmes à tout prix ». Désormais, Hugo Pêcheur explique qu’il veut plaire à tout le monde et que ce n’est pas si simple.
Une entrée en matière techniquement bonne, mais qui manque d’originalité
Pourtant, son début de spectacle est à rebours de ce dessein. Il produit les blagues Carambar les plus claquées au sol que vous pouvez imaginer pour casser les codes. Non, je ne vais pas vous convaincre dès l’entame du spectacle. Ça casse les codes, même si c’est un peu longuet.
La suite ne rassure pas pour autant. Une série de blagues vues et revues, d’un propos assez creux de type philosophie de comptoir. À ce stade, je regrette ma venue… Mais je m’accroche, car Hugo Pêcheur se débat sur scène. Il a la technique scénique, le public mord à l’hameçon malgré cette absence de storytelling ou de profondeur. Surtout pour cette ex qui se voit reprocher tous les maux de la terre.
Comme si Hugo Pêcheur avait tenté de faire du Bill Burr dans Paper Tiger. Je m’explique : reprocher à sa compagne de l’empêcher d’être lui-même… avant qu’il ne découvre (non sans se plaindre qu’elle ne veut que trop rarement coucher avec lui, pour Hugo) qu’il est la cause de ses problèmes.
Quelques ficelles trop simples tirées au BO Saint Martin… où l’on devine pourtant un réel potentiel
La patience paie finalement, puisque la deuxième partie du spectacle change du tout au tout. Oubliées les vannes datées sur la ponctuation vulgaire, qui rappellent Patrick Bosso. Bienvenue aux questionnements sur la masculinité, pas encore tout à fait mûrs, témoignages d’une appropriation de la déconstruction ambiante en cours.
Sur le storytelling, la transition entre les blagues potaches et le storytelling à faire pleurer les chaumières reste de prime abord assez mécanique. Les blagues et le conte ne fusionnent pas tout à fait… mais cela ne dure qu’un temps !
Cette transition laborieuse derrière lui, Hugo Pêcheur prend enfin les rênes de son spectacle, raconte brillamment les difficultés dans sa relation avec son père ou son grand-père… Et amène le public où il veut. C’est le segment le plus intéressant et le plus poignant du spectacle. La maîtrise vient enfin — ouf, Hugo Pêcheur ramène sur le bateau les derniers pèlerins perdus en chemin…
Comment analyser cette heure inégale, dès lors ? Le spectacle étant encore assez jeune, on pardonnera des maladresses que de nombreux artistes commettent en début de carrière. Cependant, pour que Clochette sonne juste, Hugo Pêcheur devra fuir les lieux communs, poursuivre ses efforts d’introspection et se débarrasser des blagues faciles. Là, il pourra s’offrir la carrière à succès dont il rêve, et pour laquelle le potentiel est bien réel. Le rendez-vous est pris pour suivre cette ascension !