Interview Bruno Peki : « En Suisse, tu évolues vite avec les meilleurs »
Bruno Peki : cet humoriste suisse de 20 ans est affable, avenant, toujours souriant… Mais le résumer à cela serait occulter son parcours artistique déjà bien fourni. Rendez-vous compte : il joue déjà son premier spectacle pro (après un autre développé dans le cadre scolaire) aux quatre coins de la Suisse romande, et vient même à Paris pour quelques piges artistiques… Promis, ce n’est que le début !
Découvrez un jeune talent du rire à l’histoire étonnante et au parcours déjà fulgurant. Rencontrez un artiste en construction, besogneux dans son introspection comme dans l’apprentissage de son art ! L’expérience commence maintenant, profitez-en…
L’interview de Bruno Peki
Qui es-tu et comment es-tu arrivé dans le stand-up ?
Alors, je m’appelle Thomas Wiesel… (rires)
Je m’appelle Bruno Peki, de mon vrai nom Bruno Hausler. J’ai commencé le stand-up avec ce nom-là, or je ne savais pas qu’un humoriste parisien portait le même nom. J’ai dû changer pour ça !
Oui, désolé tu vas te répéter par rapport à ce que tu dis sur la RTS, Gustave Châtaignier…
C’est une sacrée histoire ! J’ai d’abord remarqué en tapant mon nom dans Google que Bruno Hausler, l’humoriste, existait déjà. Je ne me suis même pas fait la réflexion qu’on exerçait le même métier : pour moi, on avait le même nom et ça s’arrêtait là. Ensuite, il est venu au Festival du rire de Genève : il était le MC de la troupe des Insolents avec Pierre-Emmanuel Barré, Aymeric Lompret et Blanche Gardin.
Il y avait des pubs dans tout Genève, et mon père m’avait félicité car il pensait que je présentais la soirée ! Tony Romaniello, le directeur du festival, m’a laissé entrer en coulisses pour rencontrer Bruno Hausler… On a beaucoup discuté. Je venais de commencer l’humour, et j’avais mon homonyme devant moi, ainsi que Blanche Gardin et Pierre-Emmanuel Barré juste à côté ! Je me voyais déjà bégayer… (rires)
J’imagine qu’il y a eu des quiproquos !
On a ri de la situation : les probabilités d’avoir un homonyme sur Terre sont faibles et encore plus dans le même métier. Il m’a raconté que la SACD l’a appelé pour lui demander pourquoi il avait joué à Lausanne sans les prévenir… Sauf que c’était moi ! Ça posait des problèmes administratifs. D’un autre côté, des amis parisiens s’étonnaient de me voir jouer dans la capitale, je devais clarifier et dire que ce n’était pas moi !
Comme il était déjà dans le milieu, je lui ai proposé de changer de nom de scène, c’est normal. En plus, il était très sympa ! Au début, je voulais garder Bruno… Mais ce n’est pas terrible, tu ne peux pas taper simplement « Bruno » et espérer qu’on te retrouve sur le web… Je suis parti ensuite en vacances au Brésil pendant l’été. Je discutais avec mon oncle, on parlait de la faune et la flore de la région de Brasilia. Il me parle d’un arbre, le pequi. J’aimais bien la sonorité du mot. J’ai décidé de mettre un « k » à la place de « qu » dans pequi. En plus, B. P., ce sont les initiales de mes parents, Bernard et Patricia. C’est un clin d‘œil à mes origines, donc !
Quand j’ai décidé de changer, j’ai tourné une vidéo à Paris avec Bruno Hausler et Alexandre Kominek. Il venait de déménager à Paris, à l’époque. On a passé un bon après-midi tous ensemble à faire ça, c’était cool !
Revenons sur ton parcours…
Je faisais beaucoup de ping-pong quand j’étais jeune, jusqu’à mes 15-16 ans. Ensuite, j’ai découvert le théâtre en première année de collège — l’équivalent du lycée en France. J’ai adoré : on avait un cours de diction simplement pour être à l’aise et parler en public. Le professeur était un comédien de théâtre. J’ai adoré le théâtre, que j’ai commencé à 16 ans au conservatoire de Genève.
Ensuite, j’ai passé l’équivalent du bac, la maturité. En plus des épreuves classiques, on propose un travail de maturité en Suisse. C’est un projet assez conséquent que l’on définit soi-même. Ça peut être un travail de recherche, ou la création d’un événement ou d’une création artistique. J’ai fait un one-man-show, car j’ai toujours aimé les artistes qui étaient seuls sur scène et qui faisaient rire le public.
Cela t’a propulsé très vite sous le feu des projecteurs…
Oui, la cinquième fois que je suis monté sur scène, c’était pour un one-man-show d’1h15 ! Je voulais faire quelque chose d’artistique, et je ne savais pas que c’était du stand-up en réalité. Je ne savais pas qu’il fallait d’abord faire un 5 minutes, puis un 10 minutes, etc.
Ce spectacle se jouait le 13 octobre 2017, et j’avais un an pour préparer cette date. Pour cela, j’ai fait ma première scène le 4 avril dans un concours, le Banane Comedy Club. Les participants des années précédentes étaient Thomas Wiesel, Yoann Provenzano, Charles Nouveau, Alexandre Kominek, Blaise Bersinger, etc.
Dans le jury qui assistait à ma première scène, il y avait Thomas Wiesel, Yoann Provenzano, Yann Marguet… les piliers de l’humour suisse, en quelque sorte ! Ça s’est très bien passé, j’ai reçu de bons retours de Thomas et les autres. Ça m’a incité à continuer.
Après cette scène et le one-man-show, j’ai commencé à accumuler des scènes. J’ai ensuite envoyé une captation pour jouer au Caustic Comedy Club de Genève. C’est l’un des seuls comedy clubs en Suisse romande, tenu par Émilie Chapelle et Olivia Gardet.
Elles m’ont programmé dans l’autre demi-saison. Lorsque j’ai proposé une version améliorée de mon spectacle, Sébastien Corthésy, producteur chez Jokers Comedy [la principale structure de production d’humoristes suisses, Ndlr.], était dans la salle. C’est là que j’ai intégré la bande, puis tout s’est enchaîné ! Émilie et Olivia sont aussi devenues mes managers.
En Suisse, comme les humoristes sont moins nombreux, tu te fais repérer plus rapidement.
Carrément ! Ça va très vite car tu connais rapidement tout le monde. Même les plus grands, tu peux les côtoyer et travailler avec eux. Si tu te fais repérer, tu peux vite évoluer avec les meilleurs.
Tu parlais de tes débuts en 2017… Nous t’avions découvert aux Best de l’Humour en tout début 2018, où tu sortais déjà du lot !
C’était deux semaines avant de jouer mon spectacle au Caustic Comedy Club. J’avais des variations entre octobre et janvier que je devais tester. Or il n’y avait pas de scène pendant la période des fêtes en Suisse. Je suis tombé sur les sélections du concours à Genève.
Le concours n’était pas encore connu à l’époque puisque c’était la 1re édition. J’ai donc écrit à Mo Hadji pour participer. C’était l’une des premières fois que je jouais le sketch que je proposais, ça m’a permis d’aller à Paris pour la finale et d’être sélectionné parmi les 6 qui partaient en tournée et participaient au Printemps du Rire.
Aujourd’hui, tu joues ton deuxième spectacle, Innocent, en Suisse, tu as fait ton premier Montreux et Thomas Wiesel fait des stories sur toi #coupdevieux… En résumé, les choses se passent bien ! Tu confirmes ?
Franchement, il y a pire comme débuts ! C’est assez incroyable… Alexandre Kominek a aussi partagé mon passage sur ses réseaux. J’étais très content d’être en quelque sorte validé par ceux qui m’ont donné envie de faire ce métier.
Pour l’anecdote, j’ai découvert le stand-up en Suisse quand Thomas a eu sa page Facebook momentanément fermée. En 2016, il y avait eu une polémique avec l’UDC [un parti politique conservateur et nationaliste en Suisse, Ndlr.]. Mon père m’avait envoyé un article qui expliquait qu’un humoriste avait été censuré, il m’a dit de regarder ce qu’il faisait car il trouvait ça drôle.
Je n’avais pas commencé l’humour, et j’ai réalisé que le stand-up existait aussi en Suisse. À l’époque, j’avais surtout des références d’humoristes qui faisaient du one-man-show, dont Marie-Thérèse Porchet, une sorte d’institution de l’humour suisse. Via Thomas, j’ai pu découvrir toute cette nouvelle génération : Marina Rollman et les autres…
On a essayé de résumer ton humour, dis-nous ce que tu en penses ! Tu te diriges vers un stand-up sincère, où tu mises sur l’autodérision et où tu ne te fixes pas de sujet sur lesquels faire des blagues. Comment as-tu fait ces choix ?
Je ne suis pas encore au stade où je peux définir mon style scénique en une phrase. J’y travaille fort ! Pendant très longtemps, j’essayais de jouer la carte de l’autodérision, j’aime développer cet aspect-là. Petit à petit j’apprends à le faire sur des sujets qui peuvent me faire mal. Au Barbès Comedy Club en février, j’ai proposé un set où je me dévoile un peu plus sur ma sexualité et sur ma virilité.
Dans mon spectacle, je raconte aussi que je perds mes cheveux. Quand je parviens à en parler sur scène, c’est que j’ai réussi à digérer l’information et que ça va mieux. Pour d’autres sujets plus frais, je comprends vite que n’arrive pas à les aborder dès que je les teste sur scène. C’est un bon filtre pour savoir ce que je dois régler et ce que j’ai digéré ou accepté.
Je tends de plus en plus à être sincère, sans filtre sur scène. L’enjeu, c’est d’avoir moins peur du regard des autres sur scène et de me livrer tel que je suis. Si ça fait rire, tant mieux ! La sincérité et l’autodérision caractérisent le début de personnage scénique que je développe.
As-tu des exemples de sujets que tu aimerais aborder, mais pour lesquels tu as encore besoin de temps ?
Oui, j’en ai en tête ! En Suisse, on a la possibilité de proposer une heure de spectacle plus rapidement qu’à Paris, par exemple. Dans un spectacle, tu peux proposer plusieurs thèmes personnels. La nouvelle version de mon spectacle débute avec un passage sur l’alcoolisme de mon père. C’est un sujet qui me fait encore trop mal pour en parler pleinement sur scène. Au contraire, j’aborde plus facilement le cancer que ma mère a eu il y a quelques années, car elle a guéri : j’en suis complètement détaché, l’information est digérée.
Aborder des sujets de ma vie personnelle est parfois délicat, aussi. Même chose pour des sujets de société qui concernent notre époque et ma génération, par exemple l’écologie. Je me dis que je n’ai peut-être pas encore les épaules… J’essaie d’emmagasiner le maximum d’informations pour en faire quelque chose sur scène, de proposer un angle qui corresponde à mon point de vue. Je me dis que ça viendra avec le temps !
Tu fais partie de la bande des Bras Cassés sur Couleur3. Est-ce difficile de préparer deux chroniques par émission et d’être drôle sur deux heures ? Les chroniqueurs de France Inter ne savent pas assez pas la chance qu’ils ont avec leur chronique hebdomadaire !
L’exercice de la chronique est similaire : il s’agit d’être drôle sur 3 à 4 minutes. La différence, c’est que les Bras Cassés est un talk-show de 2 heures, où l’on intègre beaucoup de musique dans les chroniques et les jeux… On doit toujours être à l’affut de la blague et s’exprimer !
J’avais beaucoup de pression quand j’ai intégré la bande. Je ne savais pas si j’allais trouver ma place, si j’étais vraiment légitime… Finalement, j’ai tout de suite pris beaucoup de plaisir. En plus, je connaissais déjà la plupart des chroniqueurs de la bande, dont Marie Riley, Yacine Nemra et Renaud de Vargas…
Ce qui est compliqué dans l’exercice de la chronique, c’est trouver le sujet. Quand il est fixé, c’est bon, tu sais où tu veux aller. C’est aussi compliqué de trouver la chanson pour les « Plaisirs partagés » ! (rires)
[Faisons une pause dans l’interview. La section « Plaisirs partagés » fonctionne comme suit : il faut d’abord choisir une chanson. Ensuite, il faut écrire une chronique humoristique pour donner envie à l’animatrice de l’émission de vous choisir — sans révéler de quelle chanson il s’agit. Et globalement, il y a deux types de chansons : les chansons sympa, et les chansons ridicules.]
Lecteurs, on en profite pour vous révéler que Bruno Peki est notre complice : on lui a envoyé une dizaine de titres de chansons, et on a même réussi à gagner le lendemain de l’interview avec ceci.
Comment c’est, de travailler avec Valérie Paccaud, l’animatrice des Bras cassés ?
Elle est adorable ! Son rire en chronique est tellement galvanisant. Il te donne de la force et te pousse à aller plus loin… Elle est très cool, sympa et disponible. Elle nous donne aussi de très bons conseils sur les chroniques…
Je me souviens d’un plateau à l’abc théâtre de Lausanne. On était avec Blaise Bersinger, Alexandre Kominek et d’autres. Après le spectacle, on est allé boire un verre avec Valérie, Alexandre Kominek, etc. Elle m’avait dit que mon passage était bien, et elle m’a suggéré d’écrire pour la radio. Ça m’avait donné envie de m’y mettre…
Pour conclure sur l’émission Les bras cassés, c’est un exercice très formateur. Je suis très reconnaissant d’y participer : c’est très cool qu’elle donne la possibilité aux humoristes d’entrer à la radio suisse (RTS).
Justement, tu es un bon client pour la RTS : Cœur à cœur, Tataki… Ils apprécient ton contact avec les gens et ta maturité.
Effectivement, je fais beaucoup de vidéos avec Tataki — c’est grâce à ce programme que je suis rentré à la RTS.
Ensuite sur Couleur3, je peux m’entraîner à l’exercice de la radio avec les Bras cassés. Plus récemment, j’ai pu participer à Cœur à cœur.
Quand tu as un pied dans la maison-mère qui est la RTS, tu peux travailler sur des projets sur lesquels ça matche avec ton univers : les possibilités sont nombreuses. Pour Cœur à cœur, ils étaient contents de mon contact avec les gens, et il fallait avoir un ton léger, décalé. L’opération concernait une cause assez grave : les violences faites aux enfants et le droit à l’enfance. J’ai pu profiter de mon expérience dans « Les suisses votent », la pastille de Tataki où j’allais aborder les gens dans la rue pour qu’ils s’expriment sur des sujets de société…
Ça équivaut à quel niveau de notoriété, tout ce temps d’antenne ?
Il s’agit davantage d’une micro-notoriété : si on me reconnaît, on ne va pas savoir mon nom. Les gens ne disent pas : « Eh, c’est Bruno Peki ! ». Ils disent plus : « Eh, le mec de Tataki ! ». D’ailleurs, le week-end passé, j’étais en soirée et je croise un type. Il me dit : « T’es le mec de Konbini ! ». Non, mec ! C’est plus ce truc où les gens m’ont vu quelque part, mais je ne me considère pas comme connu.
C’est cool de voir que des gens voient mon travail et qu’il y a de la visibilité. Maintenant, j’ai un peu plus de présence médiatique, cela m’aide à remplir les salles. C’est très appréciable !
Avec le plateau Suisse au Barbès, les Best, etc., tu as pu jouer à Paris. Quelles sont tes impressions quand tu joues ici ? La ville est sale ?!
Ça me fait penser à la blague de Charles Nouveau, « ça sent quand même vachement la pisse ! » (rires).
En réalité, j’avais quelques a priori sur Paris avant de venir. J’entendais souvent que la ville est immense, tu es vite perdu… J’ai eu cette impression au début. Genève, c’est un peu la maison pour moi — même si c’est considéré comme une grande ville en Suisse. Je me disais que Paris était comme Genève en un peu plus grand… En fait, c’est vraiment immense ! Je me perds, j’ai beaucoup de mal à me situer. On se sent vite noyé dans un flux de personnes, tout va très vite…
Je n’ai pas encore pris mes marques et je ne me sens pas encore à l’aise. Mais venir une fois par mois avec ce plateau suisse permet de comprendre où sont les lieux d’humour, de me situer, etc. Je peux rencontrer des gens dans le milieu. L’image que j’ai de Paris devient de plus en plus positive ! En prime, j’aime venir ici pour revoir les potes qui y habitent aujourd’hui, que je ne vois pas souvent sinon.
Paris, c’est là où les choses se passent pour le stand-up. C’est cool d’avoir un pied ici.
Un projet d’exportation du spectacle à Paris ? Est-ce une question prématurée ?
On y pense ! Prématuré, je ne sais pas… Je travaille avec cette résidence que j’ai au Caustic Comedy Club deux fois par mois. J’y rôde mon spectacle pour avoir une heure dont je suis fier. À ce moment-là, je me dirai : « OK, avec cette heure-là, je peux aller à Paris… ». Ensuite, il s’agira de trouver une salle et de faire venir du monde !
Sur le moyen-terme, c’est l’objectif. En Suisse, c’est l’entraînement, une sorte de sas pour la suite en francophonie.
J’ai rencontré des gens en Suisse qui m’ont dit que tu étais une crème, un gars super bien élevé. Et après, on m’a parlé de Patricia, ta mère, que tu décris comme ton Uber privé. Ensuite, on m’a dit qu’elle était la mère poule du stand-up de Genève à Lausanne. Je ne sais pas que faire d’autre de ces informations que de te demander de les commenter !
J’ai beaucoup de chance d’avoir une famille et des proches qui me soutiennent pleinement et me poussent à donner le meilleur. Ma mère est très présente dans ce que je fais, elle est très cool avec mes collègues et amis. J’ai la chance d’avoir une maison où je peux accueillir d’autres humoristes lorsqu’ils viennent à Genève. À chaque fois que j’ai des humoristes genevois avec lesquels je m’entends bien, et même que je découvre, je leur propose de dormir à la maison.
Fanny Ruwet est venue il y a peu pour un plateau belge. Elle a dit que c’était la maison de la comédie ! Finalement, plein de monde vient, ça fait plaisir à ma mère de les accueillir. Elle se marre, en plus, comme elle est entourée d’humoristes ! Tous l’adorent, et elle a cette hospitalité, toujours les bras ouverts pour eux. Je suis très reconnaissant d’avoir une mère comme ça ! Elle m’inspire dans ces contacts sociaux, ça me donne envie de suivre son exemple et d’être sympa, généreux avec tout le monde. Le côté « bien élevé » vient de là, sans aucun doute !
C’est exactement comme cela qu’on t’a décrit… Pour la petite histoire, ces informations proviennent de Christelle Girard !
Ah, c’est chou ! C’est une passionnée d’humour qui pousse la nouvelle génération vers le haut. C’est cool d’avoir des gens qui s’y connaissent en stand-up en Suisse. Elle donne des retours constructifs… Christelle aussi est une crème. Ma mère l’adore ! On a un petit noyau de gens formidables…
Le côté « image de mec bien élevé », certains veulent casser cette image dans l’humour (comme Jérémy Charbonnel). Au contraire, toi tu adores en jouer et balancer une blague de sexe ou irrévérencieuse au milieu de nulle part. Tu joues aussi la carte de la jeunesse (haut de tes 20 ans) aussi et le passage à l’âge adulte… Comment anticipes-tu ton évolution ?
Justement, je n’étais pas trop conscient de tout cela lorsque j’ai débuté. Je parlais des choses qui m’intéressaient sans me poser trop de questions. Ensuite, au fil du travail avec Émilie et Olivia, et comme je voyais pas mal de stand-up, j’ai pris conscience de certaines choses. À l’entrée sur scène d’un artiste, le public se fait une idée sur la personne avant même qu’elle ne commence son set. C’est comme dans toute interaction sociale : tu as tendance à juger avant de connaître.
J’ai très vite compris que la première image que je renvoie en montant sur scène, c’est l’aspect « jeunesse ». Il y a le noyau dur d’humoristes trentenaires, donc je dois tout de suite m’en défaire. Sinon, les gens ne me verront qu’à travers le prisme de la jeunesse. Je n’aime pas trop donner aux gens ce qu’ils attendent, mais ce désamorçage est un passage obligé.
Comment parviens-tu à jouer de cette image tout en la faisant oublier ?
Mais je ne veux pas donner tout ce qu’on peut attendre, ce côté gendre idéal, parfait… Je veux simplement parler de moi, et en l’occurence, personne n’est parfait ! Je vais davantage chercher à présenter mes failles. Dans le spectacle, je parle de la rupture avec ma copine. En l’occurence, je l’ai trompé. Donc j’aborde cette trahison et le fait de ne pas m’être bien comporté. Derrière l’image que je renvoie, il y a aussi une part d’ombre, et je propose qu’on en rie tous ensemble !
J’aime bien prendre les gens de court dans des sets, avec des blagues que l’on n’attend pas. Dans le spectacle, je le fais plus longuement en abordant mes côtés plus “dark”. Je souligne qu’on en a tous, et je présente les miens. Le titre du spectacle vient de là : Innocent, le gendre idéal qui n’en est pas un ! Il m’est arrivé de faire du mal à des personnes, de passer par des stades de doute… Et on va en parler en une heure !
Dans toutes tes activités, que préfères-tu : écrire, jouer, être face à la caméra ?
J’aime beaucoup la scène, c’est le moment que je préfère car j’ai commencé par là. Être sur scène, parler avec les gens… C’est vraiment cela qui m’anime, qui me fait aimer mon métier.
Ensuite, la caméra et la radio sont des exercices différents, que j’apprécie tout autant. Je me rends compte que le noyau de ces trois choses, c’est l’écriture. C’est ce qui est le plus difficile à amorcer : trouver le sujet, me lancer dans l’exercice et ne pas procrastiner, ce n’est pas toujours simple. Quand je suis lancé sur l’écriture, c’est là où je me sens le mieux !
J’allais dire ça : ce que je préfère dans le stand-up, c’est écrire et jouer. Mais en fait, c’est tout ce qu’on fait ! (rires)
Il y a tout de même la promotion, les réseaux sociaux…
Oui, c’est obligé donc tu t’y fais. Mais une journée parfaite serait d’écrire toute la journée, et de jouer le soir pour tester des nouveautés.
Quel est ton lieu préféré pour monter sur scène ? Un théâtre ou un comedy club…
À Genève, c’est le Caustic ! C’est la maison, mon salon, presque. J’y joue tellement que c’est un laboratoire bienveillant. L’intimité que tu partages avec le public, la salle est tellement bien faite…
Dans les autres grandes salles, j’aime bien jouer un peu partout. À Paris, j’aime bien le Barbès Comedy Club. J’y retrouve cette ambiance où on se sent à la maison, où on est bien accueilli. Donc si je devais choisir deux lieux où je me suis senti bien, ce serait le Caustic et le Barbès. Pour l’instant, car il me reste de nombreux lieux à découvrir !
As-tu des inspirations dans les humoristes et stand-uppers plus connus ?
Justement, j’en discutais avec Sérine Ayari récemment. Il faudrait que je me fasse une liste de stand-uppers américains, parce que je n’ai pas cette culture de stand-up anglophone. Je parle anglais parce que je l’ai étudié, mais je ne suis pas bilingue. Je suis encore réticent, même si avec les sous-titres, je n’ai plus d’excuse pour ne pas m’y mettre !
Mes références seront plus brésiliennes. Il s’agit d’humoristes brésiliens que je vois ou que ma famille me fait découvrir : ils vont me faire beaucoup rire et m’inspirer. Cependant, mes modèles d’humoristes vont davantage être francophones.
Précisons-le, tu es à la fois Suisse et Brésilien, tu joues d’ailleurs aussi en portugais. C’est un combo peu commun ! D’habitude, on a plus affaire à un combo libanais-brésilien…
Oui, c’est assez inattendu, c’est vrai ! Pour l’anecdote, mes parents se sont rencontrés dans un avion qui allait à Rio. Ma mère est brésilienne et travaillait à Bruxelles, mon père travaillait à Genève. Heureusement qu’ils n’ont pas loupé l’avion, sinon je ne serai pas là ! Un hasard de fou.
C’est un mélange original, qu’on ne devine pas quand on me voit. On ne peut pas mettre une personne dans une case, il y a d’autres aspects à découvrir chez chacun. Ce mélange m’apporte beaucoup. J’adore aller au Brésil. Je suis très attaché à ma famille brésilienne, à cette culture-là. J’essaie d’y aller une fois par an, car ma famille maternelle est là-bas. Profiter de voir mon grand-père, mes cousins, mes oncles et mes tantes. Et profiter du Brésil, aussi : je ne vais pas me plaindre d’aller en vacances au Brésil ! C’est trop cool, j’y passe toujours de bons moments — à la plage, ou à Brasilia.
Dernière question…
Déjà ?! Je m’en suis bien sorti, jusqu’ici ?
Oui ! Quelles sont tes actualités ?
Tous les mois au Barbès Comedy Club, il y a une soirée de stand-up suisse à Paris. Je n’y joue pas tout le temps, alors allez regarder la programmation pour vérifier ! La prochaine sera le 22 mars.
Sinon, je continue de jouer mon spectacle au Caustic Comedy Club deux fois par mois. Je joue également en plateau ou en spectacle dans toute la Suisse romande.
Et dans les médias, je continue les vidéos avec Tataki… Une fois par semaine, je participe aux Bras cassés — sauf quand j’ai mon spectacle à Genève ou quand je joue du lundi au jeudi [l’émission est enregistrée à Lausanne, Ndlr.].
Interview Bruno Peki – Le débrief
Bruno Peki enchaîne les étapes de carrière et cela lui semblerait presque facile. Oui, presque : des jeunes talents, nous en avons vu passer un rayon. Même les bons clients ont leur part d’ombre et de doute. Je ne sais pas vous, mais ces aspects attisent désormais largement notre curiosité… Rendez-vous sur scène, à Paris, Genève ou ailleurs pour en découvrir plus !
Espérons que les médias qui lui donneront une couverture après nous continueront de creuser et dresseront de beaux portraits. Ce serait dommage de l’alpaguer avec un « Bruno Peki, peut-on rire de tout ? », avouez…