Di Mambro dissĂšque le spot du rire – Qui se cache derriĂšre Juliette du spot ? – 1/2
Quand Di Mambro mâa proposĂ© une interview inversĂ©e, jâai tout de suite trouvĂ© lâidĂ©e gĂ©niale. Câest mieux quand quelquâun imagine les questions pour toi. Et puis, si jâavais traumatisĂ© quelquâun en interview, me voir passer sur le grill pouvait constituer une vengeance. Savoir quel a Ă©tĂ© le premier spectacle que jâai vu, et comment la passion de lâhumour est nĂ©eâŠ
Lâinterview de quelquâun qui lâouvre sans arrĂȘt pour dĂ©fendre lâintĂ©rĂȘt des humoristes devait logiquement se solder en un contenu assez dense. En rĂ©alitĂ©, on a explosĂ© le format, ce qui permet de vous proposer cet entretien en 2 parties. Oui, on nâa pas chĂŽmĂ©. Entre deux passionnĂ©s dâhumour, on se devait dâobtenir un tel rĂ©sultat !
â Lire la deuxiĂšme partie de lâinterview
Di Mambro dissĂšque le spot du rire – Partie 1 – Quel Ă©tait ton premier spectacle ?
Tu as lancé le spot du rire il y a deux ans, et les humoristes te connaissent comme Juliette du spot. Au final, on ne te connaßt pas vraiment. Que faisais-tu avant ?
Mon travail, câĂ©tait de crĂ©er des cours en ligne. Je viens dâarrĂȘter de faire ça pour me lancer pleinement sur le spot du rire. Je faisais des cours sur des sujets ennuyeux, comme la mycose des ongles de pied, ou des maladies rares, etc.
On est trÚs loin du stand-up !
CarrĂ©ment. Jâai eu besoin de rire, Ă un moment donnĂ©. Mais le boulot ne fait pas tout. Historiquement, jâai deux passions : les sports mĂ©caniques et lâhumour. Avant de crĂ©er le spot du rire, jâai fait un site qui sâappelle ChequeredFlags. Je parlais des jeunes pilotes de course qui voulaient en faire leur mĂ©tier.
Câest le mĂȘme concept que le spot, mais dans un autre domaine.
Oui. La diffĂ©rence, câest que je ne faisais pas ce projet toute seule. Je lâai montĂ© avec mon ex. On Ă©tait tous les deux fans de course automobile, on sâest mĂȘme rencontrĂ© via un forum de pilote de course. Il mâa rĂ©pondu « +1 » Ă un truc que jâai postĂ©, du coup je lâai ajoutĂ© sur tous les rĂ©seaux possibles. Une semaine plus tard, on Ă©tait en couple et un an plus tard, on lançait ce projet.
Lâhumour est venu bien aprĂšs, ou câĂ©tait dĂ©jĂ prĂ©sent dans ta vie ?
Jâai toujours regardĂ© de lâhumour depuis toute petite, Ă la tĂ©lĂ© uniquement. Mes parents Ă©taient bloquĂ©s sur TF1, donc jâai vu les comiques foutre le bordel sur les plateaux tĂ©lĂ©, dans Les enfants de la tĂ©lĂ©Â dâArthur essentiellement.
On nâest donc pas sur une dĂ©couverte du stand-up, il y a deux ans, avec un effet « wow » ?
Non. Dâailleurs, mes parents mâavaient achetĂ© le DVD de Tomer Sisley.
Ăa a commencĂ© par Tomer Sisley, alors ?
Non ! Mes premiĂšres idoles, câĂ©tait Ăric et Ramzy.
Moi jâadorais, je les ai dĂ©couverts avec H, câĂ©tait trop bien. Câest un peu absurde, leur dĂ©lire ! Câest un genre que tu aimes bien ?
Jâadore ! Ăric et Ramzy Ă©taient mes humoristes prĂ©fĂ©rĂ©s dĂšs le dĂ©but. Jâen parlais aux gens, je voulais quâils les aiment comme moi je les soutiens. Je me sentais un peu diffĂ©rente des autres. Parler dâĂric et Ramzy, ça mâa aidĂ©, je me sentais plus normale en regardant ce quâils proposaient.
Aujourdâhui, tu aimes toujours ce quâils font ? Tu as regardĂ© Platane ?
Bien sĂ»r ! Je regarde tout, jâai mĂȘme regardĂ© leurs dessins animĂ©s. Les Ratz, Moot-Moot⊠Jâai hĂąte de dĂ©couvrir la saison 3 de Platane en janvier, je suis dĂ©goĂ»tĂ©e quâil faille encore attendre aussi longtemps ! Je mâen cogne des autres sĂ©ries, elles sont trop violentes pour moi.
JâĂ©tais aussi fan des films que les gens trouvent moins bien.
Pareil. MĂȘme Double ZĂ©ro, jâai rĂ©ussi Ă bien aimer. Je sais quâils ne sont pas aussi fiers de celui-lĂ que les autres, mais ça reste Ăric et Ramzy. Et puis il y a des grosses voitures dans une scĂšne, ça a dĂ» jouer.
Dans un autre style, il y a aussi Hibou. CâĂ©tait un flop commercial, mais jâavais vu lâavant-premiĂšre grĂące Ă une pote qui bossait Ă la SACEM. JâĂ©tais comme une dingue, ce film est incroyable, tellement beau et poĂ©tique. Jâai redĂ©couvert Ramzy, je lâai vu comme je ne lâavais jamais compris, câĂ©tait beau.
Quel est le premier spectacle que tu as vu ? Ăa doit ĂȘtre Gad Elmaleh, jâimagine.
Non. Je ne lâai jamais trouvĂ© transcendant. CâĂ©tait lâun des seuls dont je nâavais pas le DVD. Jâavais des DVD de Jamel, Dany Boon, Franck Dubosc, mais je devais le trouver trop mainstream. Je parle beaucoup de DVD, parce que comme jâai grandi Ă la campagne, je nâavais pas accĂšs aux salles de spectacle.
Jâai dĂ» attendre le lycĂ©e pour voir enfin un humoriste. Et câĂ©tait un choix un peu par dĂ©faut parce quâau ZĂ©nith de Rouen, tu nâas pas la mĂȘme offre. Mes parents Ă©taient agriculteurs et on nâavait pas de loisirs ou de vacances. Je rĂȘvais de voir Ăric et Ramzy sur scĂšne, et câest une grande frustration dans ma vie de les avoir manquĂ©s.
Il y a juste eu cet alignement des planĂštes oĂč jâai pu voir StĂ©phane Rousseau. Mon pĂšre avait fini par cĂ©der et nous emmener au spectacle avec une copine. Ăa reprĂ©sentait presque une heure de route pour atteindre « la ville ».
Mais ce nâest pas un choix que je revendique. Ăa devait ĂȘtre les hormones qui me donnaient envie de voir cette espĂšce de Don Juan sĂ©ducteurâŠ
CâĂ©tait hyper bien pour lâĂ©poque, comme premier spectacle, en vrai ! Câest son personnage, il joue Ă fond le beau gosse.
Et il y a le cÎté « québécois sympa ».
Et ensuite, tu es venue en région parisienne.
Oui, pour les Ă©tudes et par amour. Coup double.
Pourquoi as-tu lùché ton site précédent sur la Formule 1 ?
Comme câĂ©tait un projet de couple, ça supposait quâon sâentende bien pour que ça fonctionne. Malheureusement, je ne pouvais plus suivre la cadence. Il mâen demandait trop. Ă la fin, on nâavait plus de loisirs et on nâarrivait plus Ă se mettre dâaccord sur les choses. On couvrait 40 disciplines de monoplaces Ă travers le monde, dont 99,99 % des gens se moquaient. Pour les championnats japonais, je jonglais entre trois sites de traduction automatique pour comprendre et pondre quelque chose. En 2014, on a arrĂȘtĂ© de publier et en 2017, le site a fermĂ© car je nâai pas renouvelĂ© le nom de domaine.
Vous aviez des lecteurs ?
Oui, ça marchait mĂȘme mieux que le spot du rire. Mais câĂ©tait lâaffaire dâun seul type dâarticle : les gens cherchaient les grilles de dĂ©part des courses. On les sortait en premier, ça nous rapportait du trafic sans se casser la tĂȘte. CâĂ©tait une course de rapiditĂ©. Par contre, 90 % des contenus nâattiraient pas grand monde. Il nây avait pas de possibilitĂ© de dĂ©velopper le projet en monĂ©tisant, parce quâil aurait fallu parler des voitures de tous les jours. Les constructeurs automobiles Ă©taient prĂȘts Ă nous payer pour ça, mais ça ne correspondait pas Ă notre ligne Ă©ditoriale. On a obtenu des accrĂ©ditations presse et on Ă©tait reconnus dans le milieu des formules de promotion (ce qui mĂšne Ă la Formule 1).
Ă quel moment tu tâes dit que tu voulais faire la mĂȘme chose pour lâhumour ? Il a dĂ» se passer un trucâŠ
Dâune part, jâai rĂ©ussi Ă faire le tour des sports mĂ©caniques. De 2007 Ă 2016, jâai Ă©tĂ© sur des circuits au moins une fois par an. Jâai fini par la course la plus mythique du monde, les 500 miles dâIndianapolis. Et je me suis demandĂ©Â : « Maintenant, je fais quoi ? ».
Dans le mĂȘme temps, 2016, câĂ©tait quelques mois aprĂšs les attentats du 13 novembre. Ce besoin de revivre que jâavais Ă©tait encore plus fort. Jâen avais marre dâavoir mis ma vie sociale de cĂŽtĂ©. Aussi, je me suis dit que ça faisait 6 ans que jâĂ©tais en rĂ©gion parisienne, et que je nâavais Ă©tĂ© voir que deux ou trois spectacles. Norman, Jean-Luc Lemoine, et ça devait ĂȘtre tout. Je ne comprenais pas pourquoi jâĂ©tais passĂ©e Ă cĂŽtĂ© de toute lâoffre existante.
Tu nâes pas allĂ©e voir les plateaux ?
Juste le Jamel Comedy Club, une fois. Mais comme câĂ©tait exactement ce que jâavais vu sur Canal, je ne compte pas ça. Les plateaux sont venus dans un second temps. Mon premier rĂ©flexe, en 2016, câĂ©tait de fouiller dans tout BilletRĂ©duc. Je faisais dĂ©filer lâensemble des spectacles dâhumour. Jâai cherchĂ© Ă voir ce que je voulais vraiment, et non pas une tĂȘte dâaffiche.
Jâai donc vu Maxime Gasteuil au Sentier des Halles, Joffrey Verbruggen au Point Virgule, Axel Cormont au ThĂ©Ăątre le Bout. Au Bout, jâĂ©tais complĂštement flippĂ©e : fallait-il retourner ma contremarque ? Est-ce que jâallais louper la bonne entrĂ©e ? Je nâavais pas les codes du thĂ©Ăątre et des salles, et jâavais une timiditĂ© ultra-maladive Ă lâĂ©poque. Ces spectacles Ă©taient vraiment sympas, mais celui qui a tout changĂ©, câest Jean-Philippe de Tinguy.
Tu es allée le voir en vrai.
Je suis allée le voir en vrai le 13 août 2016.
Câest datĂ©Â ! Ă ce moment-lĂ , le spot nâexiste pas encore, câest ça ?
Exact. Et câĂ©tait une rĂ©vĂ©lation. Jâai pensĂ©Â : « ce mec est perdu, mais il arrive Ă faire des choses de sa vie ».
Tu tâes sentie humainement proche de lui.
Oui, une sorte de reconnaissance de tout ce qui est bizarre en moi. Je me suis dit que malgrĂ© tout, tu peux entreprendre des trucs mĂȘme si tu as peur. CâĂ©tait une grosse inspiration pour moi. Je lâai vu quatre fois Ă la Petite Loge jusquâen octobre 2016. Et ensuite jâai vu sa premiĂšre en novembre au Point Virgule.
Ce nâĂ©tait pas aussi intensif quâensuite !
Il y a une raison à ça. Entre aoĂ»t et octobre 2016, ça coĂŻncidait avec la pĂ©riode oĂč jâessayais de me sortir de ma relation toxique. Le 30 octobre, jâai retrouvĂ© ma libertĂ© en quittant mon ex. Ăa devait 8 fois que jâessayais, je ne mâen sortais pas. Ensuite, le stand-up Ă©tait un refuge.
Tu connais vraiment toutes les dates. Le spot, du coup, câest Ă quel moment ?
Jâai pris la dĂ©cision en mai 2017 pour un lancement le 10 juin. Ăa a mis un an. Depuis ce fameux mois dâoctobre, jâallais voir des plateaux toutes les semaines.
LâĂ©quipe du spot du rire : des passionnĂ©s de comĂ©die Ă votre service
En ouvrant le site, que voulais-tu apporter à la base ?
Je voulais parler des humoristes qui Ă©mergent, qui ne sont pas connus et qui nâont pas dâĂ©quipe autour dâeux pour se promouvoir. CâĂ©tait vraiment le mĂȘme concept que pour les sports mĂ©caniques ou mĂȘme la formation, parce que lâapprentissage me fascine. Le fait de devenir quelquâun Ă travers un art, ou une activitĂ©.
Comment ça marchait ? Tu allais voir une heure et tu postais une critique ?
Ce nâĂ©tait pas mon but. Je voulais rĂ©fĂ©rencer les plateaux dâhumour, lancer un blog Ă cĂŽtĂ© et promouvoir les artistes de mon choix. Jâai choisi 4 rĂ©sidents : Charles Nouveau, Louis Dubourg, Marion Mezadorian et Nadim. TrĂšs vite, jâai ajoutĂ© Jean-Philippe de Tinguy et Betty Durieux en guests.
Ces choses-lĂ sont encore accessibles aujourdâhui ?
Oui, tout est en ligne. Jâai simplement rĂ©organisĂ© les choses en fonction de ce qui plaisait au public. Ce cĂŽtĂ© « rĂ©sidents » ne fonctionnait pas assez bien, parce que si tu veux tâinformer sur un artiste de niche, tu passes davantage par sa page. En plus, on crĂ©ait du contenu inĂ©dit qui nâavait rien Ă voir avec les passages sur scĂšne, comme les chroniques culturelles de Jean-Philippe.
Lancer ce site, câĂ©tait aussi une maniĂšre de prouver aux gens que je nâĂ©tais pas une groupie. Tu ne me verras jamais demander un selfie Ă un artiste, ça nâexiste pas.
à quel humoriste as-tu parlé de ton site en premier ?
Marion Mezadorian. Quand je lâai rencontrĂ©e, elle Ă©tait trop sympa. Ă la sortie de son spectacle, je lui expliquais que je lâavais vu jouer Ă un plateau la veille. Elle est toujours ultra-enthousiaste, elle mâapporte beaucoup de soutien. On est potes depuis, câest ultra-fort. Je suis allĂ©e en Avignon cet Ă©tĂ© grĂące Ă elle, elle mâa hĂ©bergĂ©e quelques jours.
Et aprÚs le lancement, ça a été un effet boule de neige : tu allais voir des spectacles, le bouche-à -oreille fonctionnait entre les artistes.
Oui, et jâai vu la diffĂ©rence notamment sur le budget. Je consacrais entre 200 et 300 euros par mois de budget spectacle. Aujourdâhui, ça fonctionne sur invitation. Parfois, je mets encore dans les chapeaux ou jâachĂšte des places de spectacleâŠ
Câest gĂ©nĂ©reux !
Dâautant plus que les artistes et thĂ©Ăątres me disent dâarrĂȘter ! Je ne devrais pas le faire, mais je suis reconnaissante du travail fourni, alors jâai du mal.
Sur le dĂ©veloppement de ton site, tu ne gĂ©nĂšres pas dâargent ?
Non. Jusquâen juillet dernier, je travaillais Ă cĂŽtĂ© et je nâavais pas besoin de monĂ©tiser cette activitĂ©. En revanche, je nâarrivais plus Ă ĂȘtre aussi efficace au travail. Je mâaccrochais, mais je pensais beaucoup trop Ă lâhumour pour mettre ma crĂ©ativitĂ© au service de mon employeur.
Aujourdâhui, LiveMentor mâaccompagne pour dĂ©velopper mon activitĂ© et je vais voir quelle est la meilleure option. Est-ce quâil faut monĂ©tiser, crĂ©er une campagne de financement participatif ? Dois-je mâassocier, et si oui, comment ? Comment puis-je apporter des services aux artistes en Ă©change dâune rĂ©munĂ©ration, dans un cadre lĂ©gal ? Je fais partie de ces nouveaux entrepreneurs qui ont un projet, câest trĂšs bizarre comme sensation.
Quâest-ce qui a changĂ© sur le site dans ces deux annĂ©es ?
Une fois que jâavais rĂ©fĂ©rencĂ© les principaux plateaux, jâai vu que les gens aimaient bien le blog. Ils aiment quand je parle des coulisses, alors jâai intensifiĂ© ça. Quand des humoristes ont commencĂ© lâhumour alors que le spot existait, jâai vu quâils nâavaient pas le mĂȘme regard sur moi. On me prenait au sĂ©rieux, alors que certains artistes que jâai vus en 2016 mâimpressionnaient encore. Ceux de 2017-2019 ne mâimpressionnent pas, par contraste.
Toi, tu as de la légitimité, et les nouveaux humoristes en cherchent !
Et je reçois aussi beaucoup de soutien. Ils sont heureux car personne ne fait le travail que je fais, comme je le fais.
Di Mambro dissĂšque le spot du rire – AprĂšs le premier spectacle, ce que vous allez dĂ©couvrirâŠ
Vous avez toujours rĂȘvĂ© de connaĂźtre mon point de vue sur la nouvelle gĂ©nĂ©ration humour ? Ce que je pense des plateaux et des spectacles actuels ? Ou encore ce que je vois Ă©merger comme artistes et formes dâhumour lors des prochaines annĂ©es ? Vous saurez tout en dĂ©couvrant le deuxiĂšme volet de cette interview avec Di Mambro !