Interview Jeremy Bacardi : « L’Underground, c’est le grand frère du Fada Comedy Club »
Jeremy Bacardi est l’un des promoteurs du stand-up en régions. Depuis 2017, il assure la tenue du Fada Comedy Club. Vous savez, le comedy club de Toulon ! On vous en avait parlé tellement on avait aimé l’ambiance…
On sent que vous avez besoin d’une piqûre de rappel… Pas de problème, on gère la situation ! Découvrez le parcours et le travail d’un acteur majeur du rire, ainsi que son combat pour faire vivre un art naissant. — Par Fabien Tarabiscotto
L’interview de Jeremy Bacardi
Faisons connaissance pour commencer. Quel est le parcours de quelqu’un qui monte un comedy club en province ? Tu viens du coin ?
Je suis de Toulon à la base. Je me suis rendu compte que quand tu veux faire du stand-up à Toulon, il n’y a rien. Tu es obligé d’aller à Marseille ou à Paris. Du coup je me suis dit : « Pourquoi ne pas en faire ici ? ».
Comment as-tu connu le stand-up ? Qu’est-ce qui t’a amené à créer un plateau d’humour ?
Très honnêtement, je ne me rappelle pas. Je me souviens avoir été avec Briac, un humoriste de la troupe du Fada Comedy Club. À l’époque, je prenais des cours de stand-up à Marseille avec lui, mais les allers-retours récurrents depuis Toulon étaient trop fatigants. Alors j’ai un peu mis ça de côté.
Je connaissais un pote, Sam Blaxter, qui a son plateau à Paris, l’Underground Comedy Club. J’étais déjà monté le voir à Paris. Et puis un jour, il est venu jouer ici avec son plateau. Je me suis dit qu’il faudrait peut-être faire ça à Toulon, et que ça pourrait être pas mal. L’underground, c’est un peu le grand frère du Fada Comedy Club, en quelque sorte !
Pour te lancer, tu es parti d’une simple envie ! Tu évoluais dans événementiel ?
Non, pas du tout. J’ai toujours été un peu attiré par la scène. Et ici, il n’y a pas grand-chose au niveau culturel, en comédie notamment. Alors faut se lancer, se dire : « Écoute, j’ai envie de faire ça, donc je le fais ! ».
Et puis j’ai rencontré Jérome Leleu de Fantaisie Prod, et je lui ai amené mon idée de plateau. Je suis allé le voir pour lui demander des conseils. Il a l’expérience du côté production, et comme il est programmateur à l’Omega Live, la petite scène du Zénith de Toulon, il m’a proposé de le faire dans cette salle. Il nous aide vachement !
Seul, ça doit en effet être moins évident à gérer. Il s’occupe du côté production et toi, tu te charges du reste ?
Je suis MC, metteur en scène, je recrute… C’est vrai que c’est fatigant ! Aujourd’hui on joue à 20h30, à 14h j’étais là pour gérer la mise en scène, les lumières, le son… Je suis un peu le couteau suisse du Fada Comedy Club (rires). Je fait pas mal de nuits blanches avant chaque date. Mais bon, je suis bien entouré : le public est bienveillant et les humoristes sont top.
Une fois le projet amorcé, tu dois ensuite mettre en place toute l’organisation ?
Il faut trouver les humoristes, et essayer d’en faire parler. À Toulon, l’humour n’est pas réputé ! À part le rugby et la plage… les gens ne sont pas habitués. (rires)
Justement, comment amènes-tu les gens sur ce nouveau genre de format : un plateau de stand-up ?
Tu fais de la pub, tu traques les gens, tu les harcèles (rires). Puis, lors de la saison 2, on a commencé à programmer des guests. On a reçu Bun Hay Mean, Donel Jack’sman, Shirley Souagnon. Ça aide aussi à attirer du monde.
C’est la 3e saison : comment tout a commencé à la première ?
En octobre 2017, on a commencé avec le 1er Fada. Il n’y avait pas de troupe. Au départ, on voyait juste ce que ça donnait, si ça pouvait marcher. J’ai fait venir des gens qu’on connaissait et ça s’est très bien passé. Ensuite, ça a bien pris. Avec la première guest, Laura Calu, qui vient d’ici et qui a une bonne communauté, ça a donné un coup de boost.
Lors de la 2e saison, on a monté une troupe avec des gens du coin. On a organisé des dates à Marseille, au théâtre l’Art Dû, et après les dates mensuelles à Toulon.
Aujourd’hui, je pense qu’au niveau qualité, notamment avec les guests qui viennent, par rapport à ce qui se fait en France en-dehors de Paris, on est bien.
Effectivement, quand tu regardes ce qui se fait dans les autres grandes villes, je trouve que c’est bien, ce qu’il se passe ici… Oui, moi aussi, je suis chauvin !
Aujourd’hui ça marche bien aussi auprès des artistes. J’ai beaucoup de demandes d’humoristes qui veulent passer, après je suis obligé de faire un tri. Et le public est aussi au rendez-vous.
Quelle est la capacité de l’Omega Live ?
La salle comporte 220 places. On a fait une fois complet mais on tourne régulièrement à 130, 150, 180 places. C’est quand même une belle jauge pour un comedy club.
Quel a été l’accueil du public lors des soirées ? Tu annonces quand même ça comme un plateau de stand-up.
Les gens quand tu leur dis « stand-up », ça ne leur parle pas ! Après tu leur dis « ce sont des humoristes », ça leur parle plus. Maintenant le plateau fait son petit bonhomme de chemin. Cette année on a une nouveauté avec la chaîne YouTube. On va leur montrer les coulisses d’un Comedy Club, pour voir comment ça se passe. Petit à petit, on grandit !
Vous avez réussi à créer un vrai rendez-vous mensuel ! En effet, les gens privilégient le Fada au cinéma. Vous avez de plus grandes ambitions encore ?
Il ne faut pas trop en demander, ici. Une belle jauge à 150 personnes une fois par mois c’est mieux que 20 toutes les semaines. Et c’est plus facile à faire et organiser.
En plus, ça attire toujours ! Je demande régulièrement qui vient pour la 1re fois… À chaque fois, on a 70 à 80 % de la salle de nouveau. Ça fait plaisir de voir que le bouche-à-oreille fonctionne, que ça prend de l’ampleur.
Le public est assez hétérogène, d’ailleurs. Contrairement aux plateaux parisiens, c’est plus familial.
Il y a de tout. On a des enfants parfois de 10-11 ans, et des gens plus âgés jusqu’à plus de 70 ans, c’est cool ! Et puis les gens s’attachent aux humoristes aussi, à force de les voir régulièrement.
Mais ils apprécient aussi le côté guest. Les invités sont toujours attendus par le public. En plus à chaque fois qu’ils viennent, ils sont super bienveillants, ils donnent des conseils… Ils ne se prennent pas la tête, c’est agréable. Ensuite, ils en profitent pour venir jouer leur spectacle dans le coin, soit la veille, soit le lendemain, ou dans les semaines à venir.
Après il y a certains humoristes parisiens qui ont peur de se mettre en danger en province. C’est plus dur de les faire venir. Ils jouent à Paris, ça marche bien. Venir ici, c’est voir un autre public, les sortir de leur zone de confort.
Après ceux qui viennent repartent contents quand même ?!
Le retour des guests s’est toujours bien passé. C’est bien aussi parce que les humoristes qui viennent de Paris font du bouche-à-oreille entre eux. On commence à parler de nous dans la capitale, comme quoi il y a un comedy club à Toulon qui est cool pour jouer.
On a reçu Donel Jack’sman, il est super sympa. Il jouait le même soir que le Fada, pas très loin à Six-Fours, et quand il a su qu’il y avait un comedy club, il a voulu faire un passage. Il s’est dépêché en sortant de son spectacle pour venir.
Shirley Souagnon a annulé un truc de prévu pour venir jouer chez nous. Super sympas, généreux, pas de prise de tête…
Je suis originaire de Toulon et j’aime le stand-up. Ça me fait donc très plaisir de voir que ça prend bien. Comment vois-tu l’avenir ?
Monter petit à petit, on n’est pas pressé. Si la chaîne YouTube marche bien, ça peut être pas mal. On a envie de suivre le quotidien des jeunes humoristes en province, de un peu comme dans Inside Jamel Comedy Club !
Si ça marche bien, on va étendre le concept à d’autres salles dans le sud. Toutefois, ça reste une mise en danger quand les gens ne nous connaissent pas. Ça nous fait sortir de notre zone de confort, c’est toujours super enrichissant !
Dans quelques années, vous remplissez le Zénith, alors ?
On croise les doigts, si Dieu le veut ! (rires)
Interview Jeremy Bacardi – Le débrief
Vous le savez, au spot du rire, on sait ce que c’est de rêver de voir de l’humour en vrai. C’est toute une jeunesse de frustration de voir les autres assister à des spectacles, tandis qu’on se contente de l’offre télévisuelle.
Grâce à Jeremy Bacardi, et malgré les difficultés qu’on devine, le public peut découvrir des jeunes talents. Remuer ciel et terre pour avoir une tête d’affiche, c’est un combat louable qu’on soutiendra autant que possible. On est ravi de vous faire découvrir cette personne, et on espère vous donner envie de profiter de l’humour en voyageant !