Rémi Boyes : « L’enjeu, c’est de créer une atmosphère drôle »
Rémi Boyes, c’est l’étoile montante du stand-up. Son nom commence à se propager de bouche en bouche, comme un plat exotique qu’on aurait découvert par hasard et qui se révèle super bon.
Le spot du rire est allé voir s’il avait conscience de cet engouement naissant autour de sa personne et vous offre l’occasion de faire plus ample connaissance avec l’humoriste toulousain. Fait intéressant : on a redécouvert Rémi Boyes. Bluffant. Bonne lecture et découverte, donc !
L’interview
Qui est Rémi ?
Si je te dis : « Ta plus grande force, c’est que tu sais rire. Tu as un petit côté bon pote qui distribue du rire potache sans s’en rendre compte. », cela t’évoque…
Quand j’ai commencé à monter sur scène, je parlais bizarrement. Petit à petit, j’ai commencé à parler et être comme dans la vie, c’est peut-être que je viens du sud ! Je ne veux pas paraître présomptueux en me qualifiant de mec sympa, mais je pense ne pas être un mec méchant. Ce côté tout le monde est mon pote, c’est vrai : dans ma tête, les gens sont mes potes. Ça pose parfois des problèmes.
Si tu rencontres un pédophile, par exemple ?…
Ça ne m’est jamais arrivé, ou alors il le cache bien ! Si je rencontre un pédophile, je pense que je mettrai longtemps à m’en rendre compte.
Heureusement que tu es un adulte, alors !
Grave !
« Branleur, pas faire grand-chose », c’est comme ça que tu définis ton stand-up. Dans une société où on reçoit des injonctions « crois en tes rêves », « postule à ton job de rêve », « tu peux ken qui tu veux » (peut-être pas celle-là…), est-ce que ce n’est pas ça, finalement, le courage ?
Le côté « branleur », je l’ai développé sur scène parce que j’ai vu que ça marchait. En vrai, je suis un peu comme ça mais c’est surtout que j’arrive à faire plein de choses sans avoir l’impression de faire des efforts. Ce n’est donc pas rester chez moi à fumer et regarder des films : ça fait longtemps que je ne suis plus comme ça. Je suis davantage quelqu’un qui ne se prend pas la tête, qui ne cherche pas les problèmes.
En ce moment, comme je travaille chez Canal+ en plus des scènes, je travaille de 8 heures à presque minuit. Cela me permet de muscler ma technique dans la création de blagues avec certaines contraintes liées au format : c’est un vrai entraînement. Je considère même ça comme être un branleur : j’ai l’impression de ne rien faire à fond ! J’essaie d’atteindre un équilibre entre être content de ce que je fais et ne pas avoir d’obligations trop prenantes !
Quand je parle de ça sur scène, je ne me sens pas assez fort pour expliquer la nuance entre ces 2 profils de branleurs. Peut-être dans quelques années ! Je suis à un stade de stand-up où je sais ce qui fait rire et avec quelles armes je peux y parvenir. Des armes, je n’en ai pas beaucoup pour le moment… Quand j’arrive sur scène, les gens se disent que ce mec n’est pas l’archétype du gars en costard qui va travailler à la banque. Et j’essaie d’aller dans leur sens avec ces blagues-là.
Ce qui est gratifiant sur scène, c’est que tu proposes un truc que tu as créé toi-même. Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même si ça ne marche pas. Personne ne parle quand tu es sur scène : cela a un côté très agréable ! J’écris très rarement du stand-up avec les autres : je me qualifierais plus solitaire que branleur, au final ! Je cherche toujours un moyen d’être tranquille. J’équilibre ça entre le fait de voir des gens pour le côté sociable et m’offrir des moments sans voir personne pour déconnecter.
L’expérience du stand-up
Du coup, tu n’es pas perfectionniste ?
Si, à fond ! Je fuis les mauvaises blagues, je ne peux pas supporter d’en faire ! Il faut absolument que ça me fasse rire, sinon ça passe à la trappe. Même si je sais qu’il y en a certaines dans mes textes que je n’aime pas trop… Par exemple, ma blague sur Pizza Bédo fonctionne très bien, mais je ne l’aime pas ! Je la juge trop simple. Elle fonctionne car elle est forte, mais je n’ai pas d’attache particulière avec elle. Au fil du temps, je vais me lasser de la faire et elle finit par disparaître !
Mes blagues sur Pompéi, c’est ce vers quoi j’essaie de tendre. L’enjeu est davantage de créer une atmosphère drôle : c’est mon objectif pour la suite, c’est là où je veux évoluer. En ce moment, j’écris énormément sur la génération internet. Le texte s’allonge, mais pour le moment, ce n’est pas encore drôle !
En parlant de courage, à quand le spectacle d’une heure ?
Je suis un arnouïste, un peu comme Adrien Arnoux ! Je ne me sens pas encore assez fort pour faire une heure. Je joue mes passages de 5, 10 ou 30 minutes et ça passe, mais ce n’est pas la qualité que je voudrais. Je ne veux pas me pointer devant des gens et faire quelque chose à moitié. Je veux être en phase avec tout le contenu de cette heure, c’est peut-être égoïste et encore une fois perfectionniste.
Mais j’y pense de plus en plus ! J’ai déjà de quoi bâtir un spectacle d’une heure. J’ai identifié les sujets que j’aimerais développer et ce que je veux partager. En ce moment, les stand-uppers qui marche ont la pression : on attend et espère d’eux qu’ils délivrent un spectacle d’une heure. A mon avis, je passerai après tous ceux-là, le temps de parfaire l’ensemble. Je veux éviter de passer 6 mois avec l’étiquette « spectacle en rodage » !
Tu as accumulé une certaine expérience en stand-up qui te permet de voir quand tu pourras sauter le pas, en fait.
A force de faire du stand-up, on travaille à identifier ce qui va être drôle. On se dit : parler de ça, ce sera exploitable car ça dévoile une facette de ma personne qui est compatible avec le rire. On raconte des histoires, des anecdotes qui provoquent le rire.
Quand ça arrive, c’est le seul endroit où tu es sûr que la personne en face ne te déteste pas, en quelque sorte ! Tu te rends compte que si ça fait rire cette personne, quelque chose a cliqué en elle, ça crée une certaine relation. Je suis un peu accro à ça, ce moment où tu es le centre de l’attention. C’est un peu égoïste, mais j’imagine que les autres comédiens ont cette même addiction !
Rémi et Joseph
Maintenant, on ne peut pas y couper… parlons de Joseph [Roussin] !
C’est mon moment préféré !
Tu partages des 30-30 et autres visionnages de Star Trek avec Joseph, vous vous êtes connus au labo du rire, c’est ça ? Comment cette complicité est née et évolue avec le temps ?
Tu veux toute l’histoire ?
Clairement, oui.
A mes débuts, au labo du rire, c’était l’un des rares qui m’a fait rire. Au labo, ça débute sévère. Joseph faisait ça depuis un an, et pour moi, c’était cool de voir quelqu’un de drôle dans ces petits plateaux ! On a discuté un peu, et ensuite, je l’ai stalké sur Facebook. Je lui ai envoyé un message pour boire un café avec lui : j’avais envie de parler de comédie, de créer des trucs, écrire des vidéos avec des gens. En fait, c’est mon voisin !
Oui, l’un habite au 39, l’autre au 45…
C’est chelou que tu saches ça !
Tu l’as dit sur Antek on R. Je ne t’ai pas suivi chez toi, rassure-toi…
(Rires) « J’ai des photos… » Pour revenir à Joseph, on est rapidement devenus très potes. Il était méga pote avec Fred Cham : ils avaient un blog BD ensemble. Lors de ma première semaine de stand-up, j’ai bu un verre avec eux, on a parlé de tout et de rien… Comme on est voisins avec Joseph, on s’est vu plein de fois.
Entre comédiens, on est de la même espèce, en quelque sorte. Notre attirance pour le stand-up fait que, de base, plein de choses cliquent entre nous. Quand on rencontre un autre mec qui fait du stand-up, c’est très rare de ne pas pouvoir discuter, pendant des heures. C’est un peu une autoroute pour se faire des potes ! J’ai toujours eu plein de potes, et depuis le stand-up, je suis passé à « beaucoup trop de potes » ! C’est une communauté super fraternelle, on se connaît tous. Après, c’est une catégorie de potes à part entière : ça prend du temps pour qu’un pote de stand-up devienne un vrai pote. Ça m’a pris des années de passer de potes de stand-up à des potes que j’appelle pour leur raconter les tracas de ma journée.
Rémi Boyes et les autres
C’était un moyen de se faire des potes, faire du stand-up ?
J’avais mes amis, je n’étais pas en quête de me faire des potes initialement ! Comme je suis quelqu’un de très sociable, ça s’est fait. Je pense aussi que les stand-uppers ne sont pas forcément doués pour parler aux autres gens, mais tu sais qu’avec ces gens-là, tu peux parler de tout : tu es compris quoi que tu dises. Il y a très peu de tabous, un cadre de discussion ouverte : c’est pratique. La conversation est facile, c’est très rare de ne pas s’entendre, peut-être avec des mecs qui débutent ?…
Tu commences à avoir un peu de street cred’ dans le stand-up. J’ai dit à des gens que tu as fait un Twitch avec Norman, ça a tout changé dans leurs yeux habituellement méprisants de ceux qui ne comprennent pas, voire dénigrent le stand-up.
Il n’y a pas vraiment de célébrité dans le stand-up, en vrai. Ce qu’on fait avec Norman, ce n’est pas très significatif ! Prenons l’exemple de Kyan Khojandi : il est super connu, il a fait des trucs géniaux. Quand je le rencontre, je devrais me dire que c’est dingue qu’il soit là. Mais ce n’est pas le cas. On fait du stand-up tous les deux, et grâce à ça, on peut se parler normalement. Après, j’ai toujours eu du mal avec les rapports hiérarchiques, ça joue peut-être.
Est-ce que ça vient de l’absence de quatrième mur ? Le stand-up est une sorte d’école de l’humilité, non ?
Tu te dois d’être humble : faire du stand-up, c’est pas quelque chose de classe. Par exemple, si je croise Louis C.K., pour moi, ce n’est pas Louis C. K. mais plutôt un mec qui m’a expliqué qu’il s’est fait branler par sa meuf… Tu dis trop de trucs sur scène qui t’empêchent d’être cool ! Quand tu finis un set, même des demi-heures super avec Joseph où on a tout cartonné, tu sors… et tu n’es plus rien ! C’est le contrecoup : sur scène, tu as l’impression d’être super pote avec le public, et à la sortie, on ne va pas te calculer… Un mur se reconstruit ! Pour eux, c’est juste un show.
Je pars toujours du principe que ce que je fais sur scène, c’est nul. Je me dis que tant d’autres font mieux que moi. En revanche, ce que je dis sur scène, c’est vraiment moi : personne ne peut me le faire comme moi. Ça me rassure : je fais ce que je peux avec ce que j’ai !
Tu fais beaucoup de plateaux, est-ce que tu regrettes que certains humoristes ne passent pas par cette case ?
Il y a peu d’humoristes qui n’en font pas, si ?
Je pense aux célébrités, aux humoristes bien établis depuis longtemps, par exemple.
Même si je ne le crois pas vraiment, tant mieux s’ils sont assez forts pour ne pas avoir à tester les choses. Dans ma tête, c’est impensable : faire des plateaux, des plateaux pourris aussi, c’est ce qui me procure le plus de plaisir. J’en fais moins qu’avant : je joue 2-3 soirs par semaine, mais ce n’est pas assez pour moi. Si je pouvais jouer tous les soirs, je le ferai ! Pour avoir une connivence avec un public de 1500 personnes, tu as intérêt à être bon avec 10 et bosser dans de petits plateaux ! Cela t’offre beaucoup plus de liberté, c’est très agréable.
Mélange de cultures
Tu fais du stand-up en anglais aussi ?
Oui ! J’ai un peu levé le pied ces derniers temps. J’ai habité en Ecosse, en Irlande où j’ai découvert le stand-up à 18 ans. Je ne savais pas quoi faire, et je me suis dit que c’était génial. J’ai aussi habité en Chine, il y avait une grosse scène de stand-up. Là, je me suis dit qu’en rentrant à Paris, je me lancerais ! J’avais des blagues en tête, et comme j’ai toujours écrit… j’ai tout de suite compris que c’était ça que je voulais faire.
L’anglais m’a permis de jouer dans plus de plateaux, d’être davantage programmé au début. Jouer en anglais te donne une autre perspective sur tes blagues : axes, intonations différents. Comme j’ai beaucoup parlé anglais, j’étais à l’aise.
Tu bossais dans quoi, là-bas ?
J’ai fait plein de boulots très fun. J’étais testeur de jeux vidéos en Irlande : je faisais aussi les traductions de Guitar Hero. En Chine, j’étais manager d’un bar. A Liverpool, j’ai enchaîné les petits boulots : commis de cuisine, par exemple. Je n’ai pas fait d’études, donc…
Tu as fait l’école de la vie !
J’ai fait l’école de la rue ! (Rires). Je vais peut-être repartir en voyage, bientôt… mais j’ai l’impression que pour rester dans le game du milieu stand-up parisien, il vaut mieux ne pas se faire oublier très longtemps ! Je ne voudrais pas perdre ce que j’ai acquis en faisant ces scènes ouvertes, ça m’a ouvert des portes…
L’évolution : podcasts, storytelling, etc.
Au final, tu fais du stand-up mais on sait peu de choses sur toi. On a bien des thématiques fortes, la weed, ton triolisme avec Joseph et ta copine, tes séances de sport pour bras droit… mais est-ce que tu aimerais apporter d’autres aspects de toi sur scène ?
C’est justement ces sujets là que je vais essayer d’éviter. Je sais qu’ils font rire, mais c’est un peu de la facilité. Je ne me sens pas assez fort pour parler de ces choses-là. J’ai quand même de la matière : j’ai fait le transsibérien, j’ai fait le Laos en stop… Je me suis enregistré, j’ai peut-être fait 60 heures d’audio à raconter des blagues. Je commence à me mettre au storytelling, au podcast, je sens que je commence à avoir le niveau pour ça. C’est pour bientôt !
Par exemple, pour le podcast Froussin : Détective privé, tu interviens sur quels aspects ?
On coécrit avec Joseph. J’enregistre et je réalise le montage. Joseph écrit davantage que moi. On commence par bosser l’histoire ensemble, au téléphone par exemple puis Joseph écrit, teste l’histoire au One More. Puis on prend le temps de se voir, on retravaille certains éléments en fonction des réactions. On réécrit tout, et on enregistre.
On peut réaliser un épisode en 2 heures comme on peut le faire en 2 mois, en fonction de l’inspiration. On fait vraiment ce qu’on veut. On a une liberté totale sur ce qu’on propose. Je trouve cette deuxième saison meilleure, ça s’améliore mais on peut encore faire mieux ! J’espère que la qualité va perdurer, en tout cas !
Le seul point vraiment perfectible, sur lequel on passe à côté de quelque chose, c’est le marketing ou la communication. Je ne me sens d’ailleurs pas à l’aise à utiliser les réseaux sociaux comme d’autres peuvent le faire. Je pense à Louis, qui est très fort pour ça. Il arrive à remplir le One More, je trouve que ça tue ! Il faudrait être capable de s’inventer une marque et se mettre en avant. Mais je n’aime pas trop partager des choses privées sur Instagram ou autre : c’est autre chose que construire quelque chose sur scène, ça me met un peu mal à l’aise.
Il y a aussi des choses très mauvaises en matière de communication…
En fait, je me suis rendu compte il y a peu que le monde avait complètement changé ! Je n’ai pas envie d’être un réac à critiquer ce que font les autres sur Instagram ou Snapchat. Je sais que j’adore les vieux trucs comme les Monty Python, mais il faut faire le deuil de ça.
Le stand-up est sûrement archaïque : c’est le plus vieux métier du monde ! Ça consiste à parler à des gens, leur transmettre un truc et en parler pour faire rire. Est-ce que le stand-up va se faire supplanter par Twitter ?…
Les actus de Rémi Boyes
Le meilleur moyen de savoir où est Rémi, c’est d’aimer sa page Facebook et suivre ses dernières actualités au fil du temps. Vous pouvez aussi repérer les adresses des meilleurs comedy clubs de la capitale, où vous finirez sûrement par le croiser.