Interview Serine Ayari – « Monter sur scène, c’est une bouffée d’oxygène ! »
J’ai rencontré Serine Ayari lors du Festival des Humoristes de Tournon-sur-Rhône. Son nom commençait à circuler sur le web grâce à ses captations et passages TV, notamment. Les professionnels de l’humour la convient de plus en plus fréquemment dans des festivals…
En bref, on commence à s’arracher cette nouvelle pépite. Intriguée, j’ai découvert un talent à la démarche stand-up assumée. Clairement, Serine Ayari n’allait certainement pas se conformer pour plaire à un panel venu promouvoir un autre style d’humour. Et c’est tant mieux ! Pour ma part, j’ai choisi de l’interroger sur son quotidien d’artiste plus que ses ambitions sur place…
L’interview de Serine Ayari
Peux-tu te présenter pour le public français ? Quel est ton parcours, depuis quand fais-tu de l’humour ?
Je m’appelle Serine, j’ai 29 ans. Je suis belge, j’ai grandi à 15 kilomètres au nord de Bruxelles, en Flandre et je fais du stand-up depuis 3 ans. J‘ai commencé le stand-up en anglais en 2018. Ensuite, j’ai joué en néerlandais et en 2019 j’ai commencé à jouer en français.
Tu es donc francophone, anglophone et néerlandophone avec des origines tunisiennes. Un atout pour pouvoir jouer partout, j’imagine !
Exactement. C’est chouette car j’ai moins de pression pour absolument percer dans un endroit en particulier. Ça me permet d’apprécier bien plus ce que je fais sans avoir la pression de percer, de trouver du travail et d’être populaire dans telle ou telle ville. La pression existe encore, bien sûr, mais ça élargit le champ des possibles.
Tu te destines probablement à une carrière à la Wary Nichen ou Yacine Belhousse…
J’adore ces deux artistes ! Quand j’ai appris à les connaître, j’ai réalisé qu’on était pareil !
Comme Fanny Ruwet, tu as déjà eu la chance de faire des captations TV et web saluées par la profession. Perçois-tu le fait que l’on commence à voir ton nom circuler, ton talent reconnu sur un passage court et des attentes pour découvrir ton spectacle ?
Un peu, car quand je joue dans différents endroits, ça arrive que les autres humoristes connaissent mon nom. En revanche, je ne le ressens pas au quotidien. Ça ajoute une pression supplémentaire, il faut répondre aux attentes !
Finalement, c’est peut-être un cadeau empoisonné…
Exactement. Même si ça reste de la bonne pression, qui t’encourage à bien faire sur scène. En même temps, ça fait en sorte que cette profession devient plus sérieuse… Quand j’ai commencé, j’avais besoin de m’exprimer d’une manière artistique, et de m’exprimer tout court. Maintenant, c’est un métier où je me rends compte que je ne vais plus jamais arrêter de bosser !
Généralement, ce qui fait la différence entre les bons stand-uppers et ceux qui jouent au stand-upper, c’est justement ce besoin viscéral de s’exprimer…
C’est marrant que tu dises ça ! Je fais aussi la distinction quand je vois les gens jouer, en me disant : « toi, tu joues au stand-upper car tu trouves ça cool ». Et je le vois tout de suite quand je vois d’autres humoristes, qui comme moi, ressentent ce besoin.
Et quand tu ne peux pas le faire, par exemple lors de la crise sanitaire et des confinements, tu ne te sens pas bien…
Complètement ! Ça a été très dur pendant le Covid. Même si j’arrivais à m’exprimer autrement, à gagner ma vie en passant à la radio, par exemple… Monter sur scène, c’est une bouffée d’oxygène que je ne reçois nulle part ailleurs.
Ce week-end, tu figures à l’affiche des soirées découvertes de Tournon-sur-Rhône. Quel est ton objectif lorsque tu participes à des tremplins en festival ?
Je n’en ai pas réellement… Mis à part passer un bon moment…
C’est aussi un bon moyen de rencontrer des professionnels. Sur place, ils te voient sur scène et peuvent évaluer si ta proposition artistique peut fonctionner dans leur comedy club ou dans leur théâtre.
Aussi, dans notre métier, c’est rare de se retrouver parmi plein d’humoristes pendant plusieurs jours. De très belles amitiés sont nées en tremplins et concours. Certaines sont pour la vie !
Tu n’as pas ce côté « humoriste solitaire » qui vit mal ce genre d’expériences…
Pas du tout ! J’adore les gens, c’est ce qui m’inspire le plus. C’est vital d’être entouré de personnes, de leur parler…
J’aime bien évoquer les influences avec les artistes que j’interviewe. Tu as confié que tes humoristes préférés étaient américains. D’où te vient cette préférence ? Impacte-t-elle tes choix de carrière ?
En matière d’humour francophone, j’avais le DVD de Gad Elmaleh qu’on regardait en famille. Pour moi, c’était directement des spectacles d’une heure et demie où il y avait du chant, de la danse, etc. C’était très loin de ce que j’imaginais faire un jour. Quand j’ai vu des stand-uppers américains s’enchaîner sur 10 minutes en comedy club à New York, je me suis projetée. Ça, il y avait moyen de le faire !
Plus généralement, mes influences sont plus anglophones que francophones. Même si mes parents parlaient en français avec moi, j’ai davantage été baignée dans la culture anglo-saxonne (humour, musique…). Mes influences sont principalement américaines. En effet, les humoristes américains m’ont permis de me lancer à mon tour !
Tu as préféré un humour américain, plus dans l’introspection, que des propositions plus absurdes, à la britannique ?
Après des spectacles, je reçois souvent le même retour : « maintenant que je t’ai vue sur scène, j’ai l’impression de te connaître ». L’impression de pouvoir être ami avec l’humoriste sur scène : j’aime bien ressentir ça quand je regarde de la comédie. Je le ressens bien plus dans le stand-up américain que francophone.
J’ignore si tu connais Rémi Boyes, mais il me donne cette sensation. Je te le conseille et il propose son spectacle au Barbès Comedy Club en octobre… C’est toujours un plaisir de le retrouver sur scène, comme on retrouverait un pote. Même si parfois j’ai déjà vu le passage, ce sentiment reste !
Mais oui ! On a joué au Fridge ensemble. Je me rappelle son visage, mais je n’avais pas vu son passage…
Tu revendiques de proposer un humour sans-filtre dans ton pitch de spectacle. Est-ce un positionnement marketing pour le grand public ?
J’aurais aimé que ce soit un positionnement marketing ! (rires)
Toute ma vie, à l’école comme au taf, être sans filtre a toujours été un problème. Maintenant, j’en profite pour en faire mon métier ! J’ai du mal à me retenir, je pense à haute voix… Parfois, ce qui sort peut parfois perturber…
L’avantage, c’est que c’est authentique !
Oui, c’est vrai ! (rires)
À quoi un spectateur peut-il s’attendre en te voyant sur scène ? C’est quoi, le concept de « tornade Ayari » ?
Ça dépend des soirs. Si je me sens bien à l’abord de monter sur scène, que les conditions sont bonnes pour jouer… Alors je suis lancée, et on ne me retient plus ! Ça peut donner l’impression qu’une tornade est passée, le public se demandant ce qu’il vient de vivre. Mais ça n’arrive pas toujours !
C’est peut-être une expérience de plateau, alors que dans ton spectacle, tu vas davantage poser les choses…
Exactement. Dans le spectacle, j’ai le temps de prendre le temps. En plateau, on donne tout direct !
Un dernier mot ?
(hésitation) Gardez la pêche ! J’aime beaucoup les pêches… (rires)
Interview Serine Ayari – Le débrief
De toutes les interviews, celle de Serine Ayari est sans aucun doute la plus concise. Ses collègues tâtonnent pour trouver le mot juste, se répètent, voire se perdent en longues tirades… Pour sa part, Serine va droit au but, comme dans ses punchlines. Une philosophie très appréciable, qui fait écho à l’efficacité que demande la scène.
Jusqu’où ce talent nomade à la Yacine Belhousse ou à la Wary Nichen ira-t-il ? L’histoire va s’écrire sous nos yeux, profitons du voyage…